Le traitement des produits chimiques et des déchets dangereux examiné à Genève

Image d'illustration | Keystone / Urs Flueeler

Les pays convergent à Genève pour discuter du traitement des substances nocives, alors que la planète est aux prises avec des niveaux de pollution chimique écrasants.

Comme tous les deux ans, une conférence sur la gestion des produits chimiques et des déchets se tient à Genève, sous le regard attentif des médias. Les ministres de l'environnement et les fonctionnaires de plus de 190 pays se réuniront pour discuter des moyens de faire face aux dangers que représentent les produits chimiques toxiques pour l'homme et l'environnement.

Initialement prévue aux Bahamas, la réunion se tient au Centre international de conférences de Genève du 1er au 12 mai. Elle intervient un mois seulement avant que les pays ne se réunissent à Paris pour un nouveau cycle de négociations en vue d'un traité visant à mettre fin à la pollution plastique.

Pourquoi on en parle. Les scientifiques ont dénombré environ 350’000 produits chimiques manufacturés, une industrie de quatre milliards de dollars. Des pesticides aux antibiotiques en passant par les plastiques, les spécialistes préviennent également que nous avons dépassé la limite de sécurité pour l'humanité, selon une étude relayée par The Guardian. La Suisse n’échappe pas à cette contamination de «polluants éternels», dont font partie les alkyls perfluorés et polyfluorés (PFAS), comme l’a révélé l’enquête baptisée «Forever Pollution Project».

Lire aussi: Voici la carte des sites contaminés aux PFAS en Suisse

Si la toxicité de la plupart des substances n'a pas été testée, quelques-unes d'entre elles, considérées comme les plus dangereuses, feront l'objet de discussions au cours des deux prochaines semaines.

À l'ordre du jour

Des produits chimiques éternels. En vigueur depuis 2004, la convention de Stockholm interdit ou restreint les polluants organiques persistants (POP), dont font partie les PFAS, par exemple.

Lire aussi: Polluants éternels: «Tous les Suisses sont contaminés aux PFAS»

Également appelés «produits chimiques éternels», il s'agit de substances qui s'accumulent dans les organismes vivants, y compris les êtres humains. Elles présentent de graves risques pour la santé, tels que le cancer, l'insuffisance hépatique ou la perturbation du système endocrinien.

Lire aussi: Pollution aux PFAS: comment le fart des skis contamine la Suisse

Les Etats parties examineront s'il y a lieu d'ajouter trois substances supplémentaires à leur liste des substances les plus nocives :

  • Le méthoxychlore, un insecticide utilisé pour les cultures et l'alimentation animale. Il a été mis au point pour remplacer le DDT, un pesticide connu pour provoquer des cancers, des crises d'épilepsie et d'autres problèmes de santé après une longue exposition. Moins persistant, le méthoxychlore s'est également révélé nocif pour la santé humaine et animale. La plupart des pays l'ont interdit ou sont en train de l'éliminer progressivement.

  • UV-328, un stabilisateur de plastique utilisé pour protéger le polymère des rayons UV du soleil. Présent dans les jouets, les accessoires pour cheveux et les granulés, il est connu pour avoir voyagé jusqu'en Arctique, loin de ses sites d'origine. L'Union européenne est en train d'éliminer progressivement cette substance toxique d'ici à novembre 2023. Les militants espèrent que l'inclusion de l'additif plastique dans les listes de Stockholm ouvrira la voie à la reconnaissance du plastique comme vecteur de produits chimiques dangereux en raison de sa capacité à parcourir de longues distances.

  • Le Dechlorane Plus ou DP est un retardateur de flamme utilisé dans les plastiques pour remplacer le DecaBDE, qui figure sur la liste des produits chimiques interdits à tout jamais. Cette substance, que l'on trouve principalement dans les câbles et les fils de l'industrie automobile, est connue pour perturber les systèmes endocrinien et neurologique. La Chine est le seul producteur restant à utiliser cette substance, mais prévoit de l'interdire d'ici à 2026.

La convention peut interdire des substances à des niveaux de restriction plus ou moins élevés, ce qui donne aux pays la possibilité de retarder l'élimination progressive d'une substance ou de continuer à l'utiliser dans des circonstances spécifiques.

Plus d'informations ici: Un GIEC des produits chimiques pourrait-il nous éviter d'empoisonner la planète?

Le comité scientifique chargé d'examiner les substances a recommandé une interdiction totale du méthoxychlore, sans aucune dérogation. Il a toutefois proposé une longue liste de dérogations pour l'UV-238 et le Dechlorane Plus, dont certaines vont jusqu'en 2044, selon le Réseau international pour l'élimination des polluants (IPEN), qui regroupe plus de 500 ONG dans le monde.

Les militants s'opposent depuis longtemps à la plupart des dérogations et des exceptions, arguant qu'elles permettent à des substances dangereuses de continuer à circuler dans l'environnement.

Traiter ces déchets. Les 190 pays signataires de la convention de Bâle (sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination) doivent discuter de la mise à jour des lignes directrices relatives au transport transfrontalier des déchets dangereux en toute sécurité. Mais il s'agit d'une question technique, et les pays ont traîné les pieds.

Les discussions sur la manière de traiter les débris de plastique et les produits contenant des substances chimiques éternelles n'ont pas abouti lors de la conférence qui s'est tenue en 2022 à Genève. Les déchets électroniques, pour lesquels les pays ont décidé de réglementations plus strictes, seront également un sujet brûlant lors de la négociation du nouveau règlement.

Quand le consensus n'a pas de sens. La convention de Rotterdam, qui traite du commerce des produits chimiques dangereux, donne aux pays le pouvoir d'autoriser ou d'interdire l'importation de certaines substances et exige des exportateurs qu'ils respectent ces décisions.

Mais son approche consensuelle a paralysé les discussions et a été utilisée comme un droit de veto par certains pays, bloquant l'inscription de certaines substances contre la volonté de la majorité des pays depuis plus d'une décennie, notamment l'herbicide paraquat et l'amiante.

La Suisse, l'Australie, le Burkina Faso, le Ghana et le Mali ont présenté une proposition visant à contourner ce problème. Ils suggèrent de créer une nouvelle liste pour les produits chimiques qui ne peuvent pas figurer sur la liste principale. Seuls les pays qui ratifient l'amendement seraient tenus de demander le consentement de l'importateur.

Les pays africains, qui manquent souvent de ressources pour contrôler les produits chimiques qui entrent sur leur territoire, ont discrètement fait pression en faveur d'une modification de la règle du consensus. La Chine, l'Inde et la Russie, les principaux exportateurs d'amiante au monde, se sont tous opposés à la proposition.

Cet article, traduit de l’anglais par Kylian Marcos, a été initialement publié sur le site Geneva Solutions, consacré aux questions internationales et humanitaires.