C’est en novembre 2021 que j’ai entendu parler pour la première fois de ce traité, grâce à un article du Guardian. Je découvrais les calculs de Yamina Saheb, qui connaît très bien le TCE de l’intérieur pour avoir travaillé pour son secrétariat.
L’information: les investisseurs étrangers pourraient réclamer aux Etats signataires – 54 début 2022 – jusqu’à 1300 milliards d’euros jusqu’en 2050, en compensation de la fermeture anticipée des centrales qui fonctionnent encore au charbon, au gaz ou au pétrole, pourtant nécessaire pour respecter les engagements de l’accord de Paris. Une épine dans le pied pour les gouvernements, à l’heure de la transition énergétique…
En février 2022, lorsque débute la guerre en Ukraine, je ne pense plus du tout à ce sujet. Mais c’est l’époque des sanctions et contre-sanctions, et des prémices de la crise énergétique: le gazoduc Nordstream 2, qui aurait dû alimenter l’Allemagne en gaz – et l’Europe – n’est finalement pas mis en service, l’Allemagne préférant suspendre sa décision. Soudain, le TCE me revient en mémoire: la société Nordstream 2 AG, domiciliée en Suisse, peut tout à fait attaquer l’Allemagne. Quelques jours plus tard, celle-ci déposera toutefois le bilan.
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- En parallèle, il faut savoir que le TCE arrivait cette année au terme d’un processus de modernisation houleux, en cours depuis 2017. Etaient notamment discutés: la nature des investissements couverts (fossiles ou non), et l’introduction d’un mécanisme à la carte permettant aux Etats de choisir les investissements couverts. En me renseignant sur les coulisses des négociations, j’obtiens quelques indiscrétions sur les ambiguïtés de la position suisse: membre du comité de modernisation, celle-ci s’oppose à ce que le traité ne protège plus les actifs fossiles.
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- Cette modernisation vire rapidement au feuilleton. A quelques jours de la fin officielle des négociations, cinq jeunes Européens victimes du changement climatique déposent un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le 24 juin, le processus s’achève comme un coup d’épée dans l’eau, laissant plusieurs points litigieux en suspens. Hedi.news choisira d’y consacrer un éditorial quelques jours plus tard.
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- Dernier acte en date: successivement, plusieurs pays européens annoncent se retirer du traité en raison du risque juridique posé par celui-ci. Pologne, France, Pays-Bas, Espagne, Allemagne… un véritable effet domino se met en branle, le momentum a changé. Même la Suisse finit par réagir, timidement, se laissant une porte de sortie en commandant un rapport au DETEC, sans se positionner sur une éventuelle sortie du traité à ce stade.
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Cette actualité était en quelque sorte une “tempête parfaite”: un sujet technique et peu connu, mais dont les répercussions peuvent être très graves pour le climat. Il est aussi à la convergence de plusieurs domaines techniques: le droit international, la politique énergétique…
La suite, en 2023. Le sujet promet de rester à l’agenda de la politique helvétique début 2023: théoriquement, le traité modernisé doit être soumis une nouvelle fois à l’Assemblée fédérale pour que la Suisse le ratifie. Sauf si le Conseil fédéral choisit de se retirer du traité avant, à l’image de plusieurs de ses voisins européens.
Le Conseiller national Vert Raphaël Mahaim a déposé une motion pour demander au Conseil fédéral des précisions. La réponse, dans les prochaines semaines, promet d’être intéressante. D’autant plus avec la prise de poste récente de l’UDC Albert Rösti, ancien président du lobby pétrolier SwissOil, à la tête du Département de l’environnement, du transport, de l’énergie et des communications (DETEC).