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«La Suisse subventionne 80 fois plus les activités dommageables à la biodiversité que sa protection»

Avec 6,2% de surfaces protégées, la Suisse est le pays d’Europe le plus éloigné de l’objectif des 30%. | Agence européenne de l’environnement

Signataire avec 194 autres pays d’un accord signé à Montréal en décembre dernier pour conserver 30% des terres et des mers d'ici 2030 afin de protéger la biodiversité, la verte Helvétie a les plus gros progrès à faire de tous les pays d’Europe. Dans son dernier ouvrage, l’éthicien de la nature fribourgeois Marc Vonlanthen explique pourquoi. Interview.

Professeur de physique et enseignant d’éthique de la nature à la Haute école d'ingénierie et d'architecture de Fribourg, Marc Vonlanthen vient de signer un ouvrage intitulé «La biodiversité, L'autre crise écologique» (EPFL Press). Particulièrement accessible, ce livre explique et chiffre, sans passer sur les incertitudes, ce qui est qualifié de sixième extinction de masse. Il analyse aussi l’évolution des philosophies d’inspiration écologiste dans la manière d’aborder ce phénomène délétère de même que les diverses solutions envisagées.

Président de la section fribourgeoise de Pro Natura et élu socialiste au législatif de la ville de Fribourg, Marc Vonlanthen analyse aussi dans le détail la crise de la biodiversité en Suisse et pourquoi notre pays se croit à tort bon élève alors qu’il est aux avant-postes de cette autre crise écologique.

Heidi.news — Commençons par une question qui fâche. C’était la journée de la biodiversité il y a quelques jours et on a beaucoup parlé de crise. N’est-ce pas exagéré? Quel degré de certitudes avons-nous sur cette crise qui implique des millions d’espèces et d’individus bien au-delà de ce que nous pouvons mesurer?

Marc Vonlanthen — Il y a des incertitudes, c’est vrai, mais il faut d’abord comprendre de quoi on parle. Du point de vue scientifique, la biodiversité renvoie à la diversité des espèces, des milieux naturels et à la diversité génétique au sein d’une même espèce. Sur la perte des espèces, le chiffre avancé par l’Ipbes, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, est d’environ 1 million d’espèces menacées sur les 8 millions estimées. Si nous avons des raisons de croire que ce chiffre est inférieur à la réalité, l’honnêteté est de reconnaître que c’est difficile à estimer précisément avec des espèces qui sont très rares ou ont parfois des aires de répartition extrêmement limitées, par exemple une présence sur quelques îles reculées où le comptage sur le terrain est difficile.

On a cependant une lecture politique plus claire depuis la mise en place des objectifs d’Aichi adoptés en 2010 pour la décennie qui a suivi. Ils ont échoué sur presque toute la ligne mais ont quand même contribué à créer un monitoring plus systématique de la biodiversité. Une autre difficulté est que l’on découvre sans cesse de nouvelles espèces. Au final, la perte de biodiversité des espèces est indéniable: la dernière extinction si massive remonte à 66 millions d’années et on a vu disparaître la plupart des dinosaures.

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Marc Vonlanthen

Et en ce qui concerne les milieux naturels et la diversité génétique?

Les milieux naturels font l’objet d’un suivi plus ou moins exhaustif en fonction des pays. Le parent pauvre, c’est la diversité génétique. En Suisse, nous n’avons par exemple pas de programme de suivi de la diversité génétique. C’est pourtant très important en particulier parce que cela joue un rôle déterminant dans la capacité des espèces à s’adapter aux changements climatiques. C’est cette connaissance qui va par exemple guider les forestiers pour replanter une variété plus résiliente qu’une autre.

Contrairement au climat, la crise de la biodiversité n’a pas ses sceptiques. Pourquoi?

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