Hôpitaux ou pas, il va falloir arrêter de jeter nos objets à tout va

Peut-on continuer à jeter des instruments médicaux pour la seule raison que c'est plus simple comme ça? Notre chroniqueur Michel Huissoud, ex-directeur du Contrôle fédéral des finances, s'agace d'un changement de culture qui tarde à se faire.

Pixabay / Ri Butov
  • Quoi? Vous jetez cette paire de ciseaux et ces pinces médicales après avoir coupé ce sparadrap?
  • Oui, la direction de l’hôpital a décidé que la stérilisation est trop chère.

Le personnel médical hoche la tête et comprend ma surprise. Un simple changement de pansement va conduire deux instruments métalliques de qualité chirurgicale directement dans la poubelle.

Quelques discussions avec des professionnels de la santé confirment la situation. Ces outils ont été fabriqués pour durer et pas pour un usage unique. Mais les hôpitaux ne stérilisent plus ce matériel. Les déchets seront certes triés, mais ce comportement est choquant.

Il n’est d’ailleurs pas limité à un hôpital bernois mais est observé dans toute la Suisse. Vu l’importante production de déchets des hôpitaux, on parle d’une tonne de déchets par lit et par an, cette question n’est pas anodine.

Entre l’esprit et la pratique, un grand écart

Comme d’habitude en Suisse, la législation fait le grand écart. La loi fédérale sur l’environnement prescrit clairement et à juste titre que «la production de déchets doit être limitée dans la mesure du possible». Elle précise également que «le Conseil fédéral peut interdire la mise dans le commerce de produits destinés à un usage unique et de courte durée, si les avantages liés à cet usage ne justifient pas les atteintes à l’environnement qu’il entraîne».

Mais nos instruments de santé ne sont pas directement concernés. Ils ne sont pas conçus pour un usage unique mais sont malgré tout jetés après usage. Les offices cantonaux de l’environnement pourraient envisager de recommander à leurs hôpitaux de changer leur pratique. On peut rêver…

En attendant, on peut se disputer sur les chiffres mais la tendance est là. La population suisse utilise toujours plus de ressources. Notre empreinte sur la Terre continue d’augmenter, plus de trois globes terrestres seraient nécessaires si la population mondiale se comportait comme nous.

Le salut par l’aiguille

Bonne nouvelle, dans le même temps, un jeune horloger de la région biennoise rachète des fonds de grenier à de vieux horlogers. Il rassemble des centaines de milliers de pièces détachées, des couronnes, des cadrans, des balanciers, et les met en vente sur internet. Il nous montre la voie. Grâce à lui, des horlogers peuvent dans le monde entier réparer des montres suisses des années 1960 à 2000.

Stériliser, réparer, affuter, réutiliser les objets réduit notre empreinte. Elle permet aussi de garder des compétences techniques dans notre pays et de diminuer notre dépendance par rapport aux producteurs étrangers. L’économie circulaire est bien plus qu’un simple modèle d’affaire.

Un mot sur notre chroniqueur

Juriste de formation, expert en audit, «shérif» pour les médias, Michel Huissoud a été chargé de la surveillance de l’administration fédérale durant plus de trente ans. Il milite aujourd’hui pour une révision totale de la Constitution fédérale, et signe des chroniques pour le magazine alémanique Beobachter et Heidi.news.