Hiver doux, puis neiges abondantes: quelles conséquences pour les animaux suisses?
Après un hiver exceptionnellement doux, des neiges abondantes sont attendues cette semaine en moyenne montagne. Ce retour du froid est-il à double tranchant? Du côté de la faune, il y aura des gagnants et des perdants.
Noisetiers en fleurs, éveils des abeilles, chants des oiseaux… L’hiver 2023 prend des airs de printemps. Après un Noël vert et un pic de chaleur record au Nouvel An, d’abondantes chutes de neige sont attendues cette semaine. Quelles conséquences pour la faune, alors que certaines espèces se sont déjà éveillées de leur torpeur hivernale?
Des gagnants et des perdants. Si l’hiver et son manteau blanc tiennent du conte de fée pour les adeptes de glisse, c’est en général une période de survie redoutable pour la faune sauvage.
Chez les animaux qui n’hibernent pas, comme le cerf, le bouquetin ou le chamois, la douceur de décembre et janvier offre un répit passager. Les ongulés puisent moins dans leurs réserves de graisse et sont mieux armés pour tenir jusqu’à la fin de l’hiver — y compris en cas de retour du froid.
Kurt Bollmann, biologiste de la faune sauvage à l’Institut fédéral de recherche WSL:
«Ils dépensent moins d’énergie pour maintenir leur température corporelle à 37-38°C et ont davantage de nourriture à disposition.»
Mais dans un écosystème, le succès des uns peut faire le malheur des autres, complète le naturaliste:
«Certains charognards, comme le renard, le vautour, ou l’aigle royal dépendent du taux de mortalité élevé des ongulés en hiver. Cette année, ils auront moins de carcasses dans les Alpes sur lesquelles se nourrir.»
Une hibernation turbulente? L’hibernation est une des grandes stratégies mises au point par les mammifères pour survivre aux affres de l’hiver. Les marmottes, les hérissons ou encore les chauves-souris passent en léthargie à l’approche de la saison froide, réduisant leur rythme cardiaque et leur température corporelle (3-6°C).
- Les températures élevées des derniers mois ne risquent-t-elles pas de perturber ce cycle? Pour Kurt Bollmann, pas d’inquiétude sur ce plan:
«Cette hibernation est hormonale et davantage liée au rythme saisonnier jour-nuit qu’aux températures extérieures. Les terriers des marmottes sont par ailleurs relativement bien isolés par la neige et leurs conditions devraient rester constantes. Des hivers sans neige, au cours desquels le sol gèle, seraient plus problématiques.»
- La situation pourrait devenir plus hasardeuse si les températures clémentes persistent jusqu’en février.
«Les chauves-souris qui passent l’hiver dans des abris mal isolés, comme sous le toit des églises, pourraient alors se réveiller.»
Sorties trop tôt d’hibernation, les chauves-souris auraient de la peine à couvrir leurs besoins énergétiques, les insectes dont elles se nourrissent étant rares en cette saison.
Des abeilles en janvier? La douceur du mois de janvier réveille déjà d’autres espèces, comme les abeilles sauvages, les moustiques ou les mouches, alors que des noisetiers fleurissent déjà en Suisse. «Il est important de distinguer l’hibernation de l’hivernation», rappelle Kurt Bollmann. Les insectes, les grenouilles ou encore les reptiles n’hibernent pas, ils hivernent:
«Ils passent l’hiver dans un abri, dans un état d’inactivité. Leur température corporelle baisse pour s’ajuster à la température ambiante. Ils sont donc plus susceptibles d’être réveillés par un hiver chaud.»
En cas de réveil, ces insectes s’activent en quête de nourriture. Certains cerisiers fleurissent déjà, mais la plupart des fleurs, et donc le nectar dont dépendent les insectes pollinisateurs, ne sont pas au rendez-vous, note Nicolas Wüthrich, porte-parole chez Pro Natura.
Et qu’adviendra-t-il en cas de retour abrupt du froid?«Les insectes qui retrouveront un abri devraient retourner dans un état de torpeur», note-t-il, ajoutant:
«A chaque réveil, ils puisent dans leurs réserves d’énergie, qui sont essentielles pour tenir l’hiver. A terme, cette forte variabilité entre le chaud et le froid pourrait devenir problématique.»