Qu’avons-nous écrit de si terrible?
Avant que les affectations des départements fédéraux ne soient officialisées, le nom d’Albert Rösti circulait déjà comme favori pour le DETEC. Ce dernier affirmait publiquement être prêt à sortir des énergies fossiles – et effaçait discrètement son mandat d’ancien président du lobby pétrolier Swissoil de son site web.
Albert Rösti a-t-il vraiment changé? En politique comme en amour, ce ne sont pas les promesses qui comptent, mais les actes. Heidi.news a donc épluché les derniers votes du conseiller national sur les questions environnementales. Nous nous sommes aussi fait l’écho des scientifiques du climat préoccupés de voir leur parole attaquée par le Bernois, en public et en privé.
Le 7 décembre, il est finalement nommé chef du DETEC, ce que nous avons d’abord couvert à chaud. Puis deux articles d’analyse – le premier, laissant place à une lecture politique et le second, à des réactions de scientifiques, ont clos la séquence médiatique.
Alors, oui, aucun des chercheurs contactés n’était vraiment réjoui, mais est-ce la faute du journaliste? À dire vrai, certaines réponses sont tout simplement arrivées trop tard pour cet article, comme celle du professeur en énergie à la HES-SO Valais Stéphane Genoud, qui nous écrivait:
«Un de mes étudiants m’a dit: “C’est bien qu’un UDC, qui a défendu le pétrole, soit à la tête du DETEC, car il va devoir gouverner pour ne pas dépasser 1,5°C, il connaît de l'intérieur ce monde et il devra proposer des politiques climatiques à ses partenaires de parti”. Mon étudiant m’a convaincu. On va faire confiance à M. Rösti, c’est un homme instruit qui a un cœur, lui aussi.»
L’indépendance énergétique et ses paradoxes
Faisons à M. Rösti la grâce de le suivre et d’imaginer la suite. Ingénieur de formation et membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE) depuis onze ans, il est loin d’être inculte sur les questions énergétiques.
Et il pourrait faire de l’indépendance énergétique du pays une priorité. Parmi les pistes à disposition: le nucléaire qu’il pourrait remettre sur la table, en ligne avec l’UDC. Mais il ne dédaigne pas pour autant les renouvelables: pour viser l’auto-approvisionnement, il reconnaissait récemment les mérites de l’hydraulique et du photovoltaïque.
Cela pourrait-il être vertueux et converger avec la transition énergétique? Cette semaine, une étude de l’Association des électriciens suisses (AES) dessinait justement le paysage énergétique suisse de 2050. Et venait souligner, en creux, trois paradoxes dans les positions sur l’énergie du Conseiller fédéral.
D’abord sur le nucléaire: les centrales conventionnelles sont trop longues et trop chères à construire. Même de petits réacteurs modulaires ne seraient guère rentables, moins compétitifs que les centrales à hydrogène que l’Europe entend développer dans son plan sur les infrastructures à hydrogène vert.
Sur la dépendance aux frontières, notamment en hiver, où la Suisse importe traditionnellement au moins 20% de l’électricité qu’elle consomme, le solaire et l’hydraulique étant moins efficaces à cette période de l’année. Au total, hydrocarbures compris, la Suisse dépend de l'étranger pour 80% de son énergie.
Enfin, sur l’ouverture à l’Europe sur les marchés de l’énergie, qui représente, selon les électriciens, à la fois le scénario le plus sûr à long terme... et le moins coûteux.
Car dans ce débat, il ne suffit pas d’aligner les térawattheures dans un tableau en comparant l’offre à la demande. Encore faut-il qu’ils soient disponibles au moment où on en a besoin. Et si ce n’est pas le cas, puisque la Suisse va bientôt être exclue du marché européen de l’énergie, être prêt à les payer au prix fort…
Les prix de l’électricité augmenteront déjà de 30% en moyenne en 2023. Mais à long terme, le pari de l’indépendance pourrait peser bien plus lourd sur le porte-monnaie des consommateurs.