Le constat. A l’issue d’un été qui a vu, pour la première fois, aucune station de haute altitude en Europe capable de maintenir ouverte son domaine skiable 365 jours par an, les stations de montagne sont aux premières loges du réchauffement climatique
Professeure à l’Institut des sciences de l’atmosphère et du climat de l’ETH Zurich et membre du GIEC Sonia Seneviratne résume:
«Les températures ont déjà gagné deux degrés en moyenne en suisse depuis 1864. Le réchauffement est deux fois plus important ici qu’en moyenne mondiale.»
Après avoir rappelé que la sécheresse de 2022 est la pire qu’ait connu la Suisse depuis 500 ans, la chercheuse rappelait:
«Le rythme des événements de chaleur extrême a accéléré pour passer à trois années par décennies au lieu d’une. Il pourrait monter à quatre dans la décennie actuelle et six voir 10 dans celles qui suivent.»
Sonia Seneviratne n’a strictement aucun doute sur le rôle des activités humaines dans cette dynamique de réchauffement.
L’adaptation. Pour les professionnels de la montagne réunis au forum Moving Mountains, le changement climatique appelle des réponses claires et nettes. D’autant plus que le ski ou les autres activités de loisirs qu’ils proposent ne sont pas essentielles, sauf pour la survie économique de leurs stations et des personnes qu’elles emploient.
Les principales solutions avancées touchent au déploiement massif d’énergie renouvelable et à la question de la décarbonation des transports, en particulier pour l’accès aux stations.
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Le renouvelable. Alors que la question de la consommation électrique des remontées mécaniques et des canons à neige fait débat dans la perspective de pénuries d’électricité l’hiver prochain, les stations s’affichent de plus en plus en pointe dans la mise en place de production locale d’énergie renouvelable.
Le président de Weisse Arena — le domaine de Laax-Flims — Reto Gurtner explique que 50% des toitures de sa station sont couvertes de panneaux solaires, si bien que Laax produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme.
A Zermatt, la famille Julen a créé une usine de biogaz, d’abord pour les déchets de leurs hôtels, désormais étendus à tous les établissements.
CEO d’Innergia, Frederic James Gentizon a présenté une solution particulièrement innovante pour le financement de leur transition énergétique par les communes de montagne en commençant par l’exemple du réseau de chauffage à distance de Rossinière.
Les déplacements. La question des transports vers les stations reste un défi encore plus complexe. Cet accès représente en effet de 50% à 70% de l’empreinte carbone des stations. Et c’est pire quand les touristes viennent de loin. Le conseiller national vert valaisan, Christophe Clivaz observe:
«Faire venir un touriste chinois correspond à l’émission de trois tonnes de CO2.»
Par comparaison, l’empreinte carbone d’un Suisse sur toute l’année est en moyenne de 14 tonnes.
Des solutions se dessinent cependant:
Avec le Magic Pass — un abonnement illimité pour 52 domaines skiables — les stations financent une réduction de 10 francs sur le trajet en train. Même s’il a convaincu 160’000 utilisateurs, et en dépit de la bonne couverture ferroviaire helvétique (une station comme Leysin prolongeant le rail jusqu’aux remontées mécaniques), cette réduction s’avère insuffisante pour vraiment pousser tous les usagers de la route vers le rail.
Valérie Paumier de Résilience Montagne citait les ascenseurs valléens (des télécabines partant de la gare en vallée) avec cependant un coût de 3 à 5 millions du kilomètre.
Plus radical, Reto Gurtner évoque un modèle inspiré d’Uber avec le déploiement d’une flotte de véhicules électriques de neuf personnes qui peuvent être conduit par divers chauffeurs et dont les trajets seraient accessibles via une application.
Si le responsable de Laax ne cache pas l’avantage d’avoir une station à l’américaine, intégrant sous une même casquette remontées mécaniques, hôtels et écoles de ski, il place aussi ses espoirs dans le changement de génération:
«Le plus grand challenge c’est l’adhésion de la population. Mais ce que nous constatons c’est que c’est plus facile avec la jeune génération qui a de moins en moins le permis et est sensibilisée à la question climatique. A Laax, un quart de nos moniteurs sont par exemple vegans.»
De son côté, Christophe Clivaz observe:
«L’adhésion au télétravail à l’occasion de la pandémie est de nature à pousser au développement d’une économie résidentielle en station.»
De fait, l’installation en station grâce au télétravail permettrait de diminuer les émissions dues au transport. Avec toutefois le besoin d’équilibrer cette forme de gentrification climatique naissante avec les besoins d’accès immobiliers de la population locale.