Florilège des critiques, lues ou entendues. Il y a, si on résume:
Ceux qui avaient une dent contre le mouvement pour sa radicalité, et qui se réjouissent de la fin de blocages devenus de plus en plus impopulaires avec le temps.
Ceux qui se félicitent de voir le mouvement climatique enfin jouer selon les règles de la justice, qui s’applique de la même façon pour tous.
Ceux qui voient un échec militant, et pour qui la visibilité médiatique obtenue par XR ne peut être considérée comme un succès en soi.
Ceux qui lui reprochent des actions pas assez politiques et qui appellent à des actions plus radicales encore.
Ceux qui, au contraire, déplorent le virage politique assumé.
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Mais faut-il vraiment voir, derrière les bonnes résolutions d’Extinction Rebellion en 2023, un revers des stratégies de désobéissance civile?
Une consécration médiatique. Ces derniers mois, une déferlante d’actions coup de poing s’est abattue, du fait d’Extinction Rebellion, ou d’émules inspirés. Souvenez-vous:
Le 14 octobre 2022, un jet de soupe à la tomate sur un Van Gogh à Londres par le groupe Just Stop Oil.
En octobre, Renovate Switzerland a de nouveau bloqué des routes ou autoroutes dans plusieurs villes suisses – après de premières actions déjà menées en 2021.
Rebelote début janvier en France avec Dernière rénovation, qui a bloqué le périphérique parisien et aspergé plusieurs ministères de peinture orange.
«Des relations plutôt que des blocages»
La fin d’un cycle. Dans sa lettre ouverte, Extinction Rebellion UK écrit aussi: «Cette année, nous donnerons la priorité à la présence [aux manifestations] plutôt qu’aux arrestations, et aux relations [humaines] plutôt qu’aux blocages routiers.»
Au Royaume-Uni, Marc Hudson, chercheur et activiste, écrit:
«De tels mouvements durent rarement plus de quelques années, même si leur cause reste juste. Il est tout simplement trop difficile de garder des militants engagés à long terme.»
Le mouvement a fait parler de lui pendant près de quatre ans et demi et a fait des copycats qui se sont emparés de problèmes concrets – la rénovation thermique pour Dernière rénovation ou Renovate Switzerland, la sortie des fossiles pour Just Stop Oil. Et pour perdurer en tant que mouvement généraliste, Extinction Rebellion doit se réinventer.
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Le point de vue informé. A Renovate Switzerland, on explique à Heidi.news que le contexte a évolué depuis 2018:
«A son arrivée, XR UK a formé un flanc radical pour le mouvement climatique en Angleterre, et amené énormément de monde à s’engager pour la première fois dans la résistance civile. C’est notamment grâce à ça qu’a pu émerger Just Stop Oil. Il est possible que le mouvement ait choisi d’ajuster son public cible en conséquence, en se concentrant à nouveau sur la masse et la facilité d’accès, pour amener ceux qui ne sont pas prêts à prendre trop de risques à rejoindre le mouvement.»
Une stratégie coûteuse. Car la désobéissance civile, par sa radicalité, implique de risquer la garde à vue, la prison, ou a minima des amendes salées, et les lois sont de moins en moins favorables aux activistes.
Au Royaume-Uni, Boris Johnson voulait introduire une peine de 12 mois de prison pour qui «interférerait avec le fonctionnement d’infrastructures nationales cruciales».
En Australie, plusieurs Etats ont musclé leur arsenal juridique répressif par de nouvelles lois anti-manifestations.
Dans le droit suisse, le concept de désobéissance civile n’existe pas, et ceux qui s’y adonnent n’ont en théorie droit à aucun traitement de faveur.
Même atomisée, la désobéissance civile renaîtra de ses cendres. Qu’on ne s’y trompe pas: Extinction Rebellion n’est pas un réseau centralisé: le mouvement a essaimé un peu partout dans le monde. XR Australie, par exemple, a jugé bon de préciser qu’ils allaient continuer de «surenchérir» en 2023.