L’approche classique. Il faut commencer par définir de quelles données on parle. Les chercheurs peuvent avoir recours à plusieurs sortes d’indicateurs pour retracer l’évolution passées des températures. Il s’agit de données indirectes, par exemple:
Les proportions d’isotopes d’oxygène mesurés dans les coquilles des sédiments marins, qui est fonction des températures de l’eau lors de leur formation.
Ou encore, de l’écart entre les cernes des arbres et de l’étendue des glaciers.
Mais ces deux exemples illustrent aussi un problème fréquent de cette approche: les arbres ne poussent qu'en été, tandis que les glaciers fondent en été, pas en hiver. Les températures reconstituées reflètent ainsi des températures saisonnières plutôt que des températures annuelles moyennes.
L’influence des saisons. Depuis longtemps, la communauté scientifique soupçonne donc que cette divergence entre données indirectes et modélisations pourrait être lié au facteur saisonnier. Mais il a fallu attendre jusqu’à aujourd’hui pour que son influence soit clairement quantifiée.
Pour le faire, ces chercheurs américains sont partis des températures obtenues grâce à des sédiments marins, puis ont appliqué un correctif statistique de sorte à convertir des températures saisonnières en moyennes annuelles.
Une fois cette opération réalisée, les résultats sont enfin cohérents: le climat se réchauffe bien depuis le début de l’Holocène — ère géologique qui correspond approximativement aux 10’000 dernières années.
Le rôle des modélisations. Dans le passé, il a toujours eu des moments où les projections mathématiques donnaient des résultats plus fiables que les données indirectes. Reto Knutti physicien du climat à l'ETH Zurich déplore:
«Si les modèles mathématiques et les données mesurées ne coïncident pas, on pense toujours que les modèles sont faux.»
Pourtant, ce serait oublier un peu vite que les données indirectes, comme les projections, se basent aussi sur un certain nombre d’hypothèses, ce qui peut être source d’incohérences. Jusqu’ici, les reconstitutions du climat passé n’étaient pas fausses pour autant, ajoute le chercheur.
«Pendant longtemps, on n’a simplement pas remarqué qu’on ne comparait pas les mêmes températures, alors qu’elles sont aussi différentes que des pommes et des poires.»
Un degré en un siècle. L’étude montre aussi qu’il y a 8000 ans, il ne faisait pas aussi chaud que ce que suggéraient jusqu’ici les données indirectes. En fait, cette étude montre qu’il n’a jamais fait aussi chaud qu’aujourd’hui au cours des 10’000 dernières années.
Elle montre aussi que les températures de l’Holocène, avant le début de l’ère industrielle, étaient globalement stables: pendant plusieurs milliers d’années, elles ont augmenté de moins d’un degré Celsius. La hausse d’un degré supplémentaire depuis le début de l’ère industrielle n’a eu besoin, elle, que d’un petit siècle.
L’étude à la loupe
L’étude. Seasonal origin of the thermal maxima at the Holocene and the last interglacial
Le commentaire. Les résultats sont très fiables. Une limitation géographique: seules les données entre 40 degrés nord et 40 degrés sud ont été incluses. De plus, l'étude est basée sur seulement deux indicateurs de température des sédiments marins. Savoir si les températures ont évolué de la même manière sur toutes les zones terrestres n’est pas encore totalement clair. Les résultats doivent encore être confirmés par des analyses d'autres indicateurs de température.
La fiabilité. 44 jeux de données sur des sédiments du monde entier ont été testés à l'aide de cette nouvelle méthode. L’étude a été relue par les pairs avant publication.
Le type d'étude. Etude d'observation.
Le financement. Subventions de la National Science Foundation of America and China, de l'Université Rutgers, de l'Université normale de Nanjing, du programme USIEF-Fulbright.
Traduit et adapté de l’allemand par Dorothée Fraleux et Sarah Sermondadaz