Pour préserver le climat – et économiser le gaz et l’électricité –, vaut-il mieux cesser de regarder Netflix, baisser la température de son logement, ou mettre des couvercles sur les casseroles – comme le préconisait le Conseil fédéral à la fin de l’été?
Tous les petits gestes ne se valent pas, et ne contribuent pas dans la même mesure à réduire la facture. Nous en avions déjà listé quelques-uns dans un précédent article, et reprenons ci-dessous – inventaire non exhaustif – les plus emblématiques, susceptibles de s’inviter au repas du 31 décembre:
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1. Le chauffage. C’est là le principal levier d’action, selon des données 2020 de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), puisqu’il représentait 64% de la consommation des ménages – soit 139 pétajoules au total – en 2020. Il faut bien sûr également tenir compte du chauffage sur les lieux de travail et dans les lieux publics. Dans ces conditions, baisser le thermostat du chauffage de 1 ou de 2°C et enfiler un pull est l’un des gestes les plus efficaces – même si ce n’est pas le plus confortable.
2. L’automobile. Cette consommation énergétique-là n’est pas intégrée directement dans la consommation des ménages, mais elle n’est pas négligeable. En 2019, les véhicules ont consommé 129 pétajoules, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), deuxième poste derrière le chauffage. Adapter sa conduite – et sa vitesse – est utile. Selon certaines études, rouler sur une autoroute française à 110 km/h au lieu de 130 km/h permettrait d’économiser 16% de carburant par kilomètre. Limiter le nombre de kilomètres en automobile thermique est un autre moyen efficace d’agir. On y pense moins, mais le poids des véhicules entre aussi en compte. Avec la mode des SUV, qui dépassent souvent les deux tonnes, on multiplie la masse de ferraille à déplacer – effaçant en partie les gains d’efficacité obtenus par les moteurs.
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3. La cuisson et les couvercles de casseroles. Ne crachons pas dans la soupe: en situation de crise, toute économie est bonne à prendre. Sauf que la cuisson est loin d’être le poste de consommation le plus énergivore des ménages: il ne représentait en 2020 que 10,4 pétajoules, soit moins de 10% de la consommation d’énergie pour se chauffer. En prime, votre four réchauffe aussi votre logement. Certes, avec une efficacité énergétique moindre que votre chaudière ou votre pompe à chaleur, mais si vous vous chauffez avec des convecteurs électriques, cela revient strictement au même d’un point de vue physique.
4. Le streaming Netflix ou autre. Passons de la consommation d’énergie à l’empreinte carbone, car c’est peut-être sur le streaming que votre oncle technophile – qui roule en SUV hybride et a récemment remplacé sa vieille chaudière à mazout par une pompe à chaleur flambant neuve – cherchera à vous coincer lors des débats festifs. Vous pourrez lui répondre qu’une heure de streaming sur Netflix – ou de visioconférence – représente, en première approximation, une petite centaine de grammes de CO2. Soit à peu près autant qu’une tasse de café Nespresso… Et toc.
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La sobriété énergétique en embuscade
C’est l’un des mots de l’année, d’abord remis au goût du jour par le Giec en mars 2022, avant que la crise énergétique ne se profile pleinement dès l’été. Le concept est vieux de 30 ans, mais n’est revenu en force que très récemment, par nécessité. Si le concept de conservation d’énergie a émergé dès le choc pétrolier, dans les années 1970, il a été occulté, ces dernières années, par les gains d’efficacité énergétique réalisés sur les appareils – moteurs, éclairage, chauffage. Le problème, c’est que ces gains ont été engloutis par l’effet rebond, qui conduit à l’augmentation de la consommation globale… l’efficacité énergétique ne suffit donc pas. Encore faut-il lui associer la sobriété pour consommer moins d’énergie, et des sources d’énergie renouvelables.
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En embuscade entre le sapin et le gui du nouvel an, derrière cette idée des petits gestes, c’est bien de sobriété énergétique dont il est question. Et peut-être de son aspect le plus polémique: cette sobriété est vue comme austère, car imposée par le porte-monnaie, associée à des campagnes d’information parfois perçues comme moralisatrices de la part des Etats. Cette sobriété-là nous fait faire la grimace, car elle fait d’abord peser sur les individus la charge de réduire leur consommation.
Comme l’expliquait à Heidi.news en mars dernier David Moreau, directeur du bureau de l’association NégaWatt Suisse:
«L’intérêt de la sobriété, c’est qu’elle est actionnable rapidement à l’aide de campagnes de communication, contrairement à l’installation de pompes à chaleur ou l’amélioration de l’isolation, dont le remplacement, sur tout un parc de logements, prendra dix à vingt ans».
Le débat sur la sobriété impose donc la nuance: si on l’applique cet hiver, il ne faut pas pour autant oublier d’investir demain – tant dans le bâtiment (isolation, remplacement des appareils à combustible fossile…) que les transports.
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Avec la participation de Kylian Marcos et de Rachel Haübi