COP26: «La Suisse fuit ses responsabilités climatiques avec la compensation carbone»
Compenser ses émissions de gaz à effet de serre à travers des projets à l’étranger, bonne ou mauvaise idée? La Suisse est pourtant pionnière en la matière. C’est d’ailleurs son principal cheval de bataille pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat. Après le Pérou, le Sénégal et le Ghana, c’est au tour de la Géorgie de conclure un accord bilatéral avec le Conseil fédéral, le 18 octobre dernier. Le principe: comptabiliser les réductions d’émissions réalisées dans ces pays dans les efforts d’atténuation suisses, via le financement de projets.
Augustin Fragnière, spécialiste en politique climatique au Centre de compétences en durabilité de l’Université de Lausanne, et titulaire d’une double formation en philosophie et en sciences de l’environnement, met en garde contre le revers de la médaille.
Pourquoi c’est important. C’est la dernière ligne droite avant l’ouverture de la 26ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, à Glasgow. Au cœur des négociations: l’article 6 de l’Accord de Paris, irrésolu, qui prévoit d’autoriser des échanges internationaux de réductions d’émissions de CO2, et qui touche ainsi à la pierre angulaire de la stratégie suisse. La semaine dernière, la BBC révélait que la Suisse a tenté de minimiser la responsabilité financière des pays riches envers les pays en voie de développement lors de la validation du dernier rapport du GIEC.
Heidi.news — La compensation carbone permet-elle d’atteindre la neutralité climatique ?
Augustin Fragnière — Non, et pour plusieurs raisons. Premièrement, un crédit carbone devrait correspondre à une tonne de CO2 qui n’a pas été émise ou qui a été retirée de l’atmosphère. Or, certaines études ont montré que pour un bon nombre de projets cela n’est pas garanti. Par exemple, certains crédits n’équivalent pas à des diminutions supplémentaires, mais à des réductions d’émissions qui auraient de toute manière vu le jour.