Ce que le monde a fait face au coronavirus, pourrait-on le faire pour le climat?

Sarah Sermondadaz

A l'issue d'une année 2020 haute en couleurs, et avant d'aborder la nouvelle année, l'équipe de Heidi.news vous propose plusieurs prospectives pour 2021.

Début 2020, le monde découvrait le virus SARS-Cov-2 et l’épidémie devenue pandémie de Covid-19. Rapidement, le besoin de mesures drastiques s’est fait sentir pour contrer la croissance, exponentielle en l’absence d’interventions, du nombre de nouveaux cas, d’hospitalisations puis de décès. Le confinement a été présenté comme un mal nécessaire pour sauver nos systèmes hospitaliers. Une crise globale et sans précédent entraînant des difficultés internationales, cela devrait pourtant nous rappeler quelque chose: la crise du climat? Pourrait-on affronter celle-ci de la même façon? Eléments de prospective, à l’aube de la nouvelle année 2021.

Pourquoi on en parle. Malgré un recul inédit (mais temporaire) des émissions de gaz à effet de serre en 2020 à cause des restrictions sanitaires, tout reste à faire pour infléchir la hausse des températures, aujourd’hui sur la trajectoire d’un réchauffement à +3°C d’ici la fin du siècle. Après des mesures particulièrement restrictives pour la vie sociale, le monde attend désormais avec impatience que les vaccins contre Covid-19 soient administrés à large échelle, avec la promesse de reprendre enfin «la vie d’avant». Une vie exactement comme avant, en attendant le prochain soubresaut provoqué par les crises du climat et de la biodiversité?

L’analogie.

  • Face à la propagation du virus, pour éviter la saturation totale des hôpitaux, des mesures sanitaires drastiques ont été mises en œuvre. Ces stratégies, comme l’endiguement (visant à stopper net la circulation du virus) ou l’atténuation (qui implique des mesures moins coercitives, visant à simplement limiter la casse et ralentir la croissance de l’épidémie) ont alors été discutées un peu partout dans le monde. Les plus restrictives, entraînant les plus fortes répercussions économiques, n’ont toutefois été mises en place par les pays que lorsqu'ils se sont trouvés au pied du mur.

  • Face à l’urgence climatique, le monde se trouve peu ou prou face au même dilemme: Appuyer tout de suite sur la pédale de frein, et risquer de se faire distancer par les autres Etats sur le plan économique ? Ou attendre, comme en mars dernier, de ne plus avoir le choix pour freiner, et de freiner juste ce qu’il faut, au risque que la distance de freinage ne mène certains vers l’abîme? Cette image pourrait illustrer les discussions actuelles autour de la neutralité carbone, aujourd’hui affichée par plusieurs pays. Mais trop souvent, y compris en Suisse, cet objectif reste envisagé à travers des mécanismes peu contraignants à domicile, à travers par exemple davantage de compensation carbone à l’international et des projets de stockage géologique du CO2. Freiner oui, mais jusqu’à un certain point, et à condition de ne pas se donner de handicap supplémentaire au plan économique par rapport aux autres…

Mais comparer la crise sanitaire et la crise climatique ne fonctionne que jusqu’à un certain point. D’un point de vue mathématique, l’on peut dans les deux cas construire des modèles pour prédire l’évolution de la situation. Pour Covid-19, il faut patienter environ 10 à 15 jours pour voir les effets d’une nouvelle stratégie publique. Le système climatique, lui, est doté d’une bien plus grande inertie, qui implique des efforts soutenus dans la durée. Pour limiter la hausse des températures, il faudrait au moins un confinement par an... pendant pas moins de 10 ans, rappelait récemment l’Organisation météorologique internationale.

L’urgence d’agir. S’est-on à ce point habitués à la litanie de mauvaises nouvelles sur le climat? Le mois de mai 2020 a pourtant été le plus chaud que la planète ait connu depuis le début des enregistrements. Idem pour septembre et novembre, au point que selon les projections, 2020 fera partie des trois années les plus chaudes jamais observées. Surtout, la crise de la biodiversité, concomitante à celle du climat, rassemble les ingrédients explosifs favorables à la survenue de nouvelles pandémies à l’avenir. D’ici dix ou vingt ans, il est possible que 2020 ne nous semble une année somme toute pas si inconfortable.

Filons de nouveau la métaphore: si la fièvre mondiale du Covid-19 devrait enfin tomber courant 2021, grâce à la vaccination de masse, on ne saurait compter sur une telle création de la science pour faire chuter les températures de la planète. Certes, les solutions de captage du CO2 sont désormais prises en compte par les experts du Giec depuis le rapport de 2018 consacré au seuil de +1,5°C. Mais la comparaison s’arrête là: l’effet de certaines, comme la reforestation, a été surestimé, et d’autres sont encore loin d’être matures au plan technologique, et demeurent risquées, notait le Giec. Dans tous les cas, il ne peut s’agir que d’un levier d’action parmi d’autres pour atteindre la neutralité… Relever pleinement le défi du climat sera donc autrement plus difficile que celui de la pandémie.

Les leçons de la pandémie. Tout n’est pas négatif: l’on peut aussi voir la pandémie comme une expérience à grande échelle. Nous aurons appris de nos réactions sociales, des résistances individuelles à des comportements nécessaires (port du masque sur la bouche et le nez pour protéger les autres, par exemple…), au problème des croyances complotistes voire négationnistes face au virus. Mais aussi, et surtout, nous aurons redécouvert la résilience de nos sociétés.

En 2021 ou 2022, à l’issue des campagnes de vaccination, il est probable que Covid-19 laisse de nouveau place, dans les colonnes « catastrophes » des journaux, au climat. Peut-être notre privation momentanée de liens sociaux pendant la pandémie nous incitera à construire des sociétés plus durables et plus solidaires, capables de mieux résister aux prochaines crises du 21e siècle. Les plans de relance économiques « verts » s’avéreront, à cet égard, décisifs: ces derniers, s'ils sont bien menés, pourraient limiter la hausse des température de 0,3°C d’ici 2050.