A Davos, des jets privés et le mirage de l’aviation verte

Après la COP27 en Egypte en novembre dernier, c’est à l’occasion du Forum économique mondial (WEF) de Davos que resurgit le débat sur l’impact climatique de l’aviation privée. Cet article a été publié dans notre newsletter gratuite du soir, Le Point fort. N'hésitez pas à vous inscrire.

A Zurich, l’un des hélicoptères mobilisés pour le Forum économique de Davos | Keystone / MICHAEL BUHOLZER

➢ Selon une étude commandée par Greenpeace, plus de 1000 jets privés ont transité par la Suisse pour le WEF l’an dernier. Résultat? Des émissions de CO2 multipliées par quatre sur la semaine du sommet – l’équivalent de 350’000 voitures…

➢ L’ONG ne décolère pas:

  • 53% étaient des vols courts de moins de 750 km

  • 38% étaient des vols ultra-courts de moins de 500 km

  • Le plus court vol recensé était de 21 km

➢ Cette année encore, les jets privés affluent, avec environ 1000 avions en lien avec le Forum enregistrés à l’aéroport de Zurich. Des hélicoptères ont acheminé certains participants directement à Davos.

L’aviation d’affaires, parlons-en. ✈️ On comprend que les chefs d’Etats qui se rendent au WEF, comme Volodymyr Zelensky, ne voyagent pas comme le commun des mortels.

➢ Mais l’aviation privée profite aussi du forum pour redorer son blason climatique, par exemple à travers la coalition Clean Skies for Tomorrow, issue du WEF, lobby qui prône le développement des carburants d’aviation durables (SAF) pour décarboner le secteur aérien.

➢ La société bâloise Jet Aviation a ainsi profité du Forum pour proposer à ses clients un système de crédit environnemental «book and claim», par lequel ces derniers peuvent utiliser des SAF pour leur déplacement.

Un mirage vert? 🌍 Aujourd’hui, ces SAF sont surtout des biocarburants. Récemment, Sascha Nick, chercheur en économie de l’environnement à l’EPFL, mettait en garde:

«Les carburants «durables» n’ont rien de durable. Certains biocarburants peuvent émettre davantage que le kérosène, lorsqu’on prend en compte la destruction des forêts tropicales qui résulte de la production d’huile de palme. Si cette destruction affecte des marais, les carburants alternatifs peuvent facilement émettre dix fois plus que le kérosène!»

➢ Dans une étude de fin 2022, il montre que l’empreinte carbone des biocarburants, bien que plus faible, n’est pas nulle. Et en tenant compte des usages concurrents, le recours aux SAF ne permet d’économiser… que 1% de la consommation de kérosène de l’aérien.

L’aviation, marqueur d’inégalités. ⚖️ L’impact carbone de l’aviation civile est aussi dénoncé parce que c’est l’un des marqueurs d’inégalités dans nos sociétés. Une étude récente montre, chez les ménages britanniques, que les 20% les plus défavorisés consomment autant d’énergie pour vivre que les 10% les plus aisés… pour prendre l’avion.



Un monde fragmenté. ⚡ Longtemps, le slogan du WEF a été «d’améliorer l’état du monde». Cette année, il porte sur «la coopération dans un monde fragmenté». Par la pandémie, la guerre en Ukraine et désormais la récession, sur fond d’énergie chère.

➢ La question du climat est bien sûr abordée à Davos, notamment la finance verte par la philanthropie.

➥ Ce que révèle l’exemple de l’aviation, c’est aussi cette fragmentation d’un monde entre ceux qui volent – et ceux qui ne volent pas, car ils peinent déjà à se chauffer. A discuter au WEF?