Une définition trop restrictive. L’art. 213 CP sanctionne pour sa part «l’acte sexuel entre ascendants et descendants, ou entre frères et sœurs germains, consanguins ou utérins» (art. 213 al. 1 CP). Le champ d’application de cette disposition est ainsi restreint à l’«acte sexuel», lequel se définit comme l'union naturelle des parties génitales masculines et féminines. Cette limite signifie que les autres actes d’ordre sexuel (caresses des organes génitaux, fellation, sodomie, etc.) et que les relations sexuelles entre personnes du même sexe ne peuvent être qualifiés d’inceste au sens de la loi.
Or, dans la réalité, la délinquance sexuelle recouvre une grande variété de comportements transgressifs, tous plus ou moins traumatisants pour les victimes. Par ailleurs, dans le cadre de la révision du droit pénal sexuel en cours, l’avant-projet de loi propose de ne plus limiter le viol à ce même «acte sexuel» et d’en élargir la définition.
La filiation par adoption exclue. Second élément de l’art. 213 al. 1 CP: seules les personnes partageant un lien de sang (ascendants, descendants, frères et sœurs d’au moins un parent en commun) peuvent commettre un inceste. Cette limitation du cercle des auteurs potentiels aux membres d’une même famille biologique n’est pas cohérente. En effet, la notion de famille de l’art. 213 CP ne correspond pas à celle du droit civil, lequel reconnaît par exemple la filiation par adoption.
La limitation stricte du champ d’application de l’art. 213 CP entraîne des inégalités de traitement choquantes.
Ainsi, un frère et une sœur adoptifs ayant des relations sexuelles consenties ne se rendraient pas coupables d’inceste alors qu’ils seraient poursuivis pour cette infraction s’ils possédaient au moins un parent biologique commun.
De même, au sein d’une famille recomposée, le père de famille, qui violerait sa fille biologique et sa belle-fille (la fille de son épouse), serait sanctionné pour viol et inceste dans le premier cas alors qu’il le serait uniquement pour viol dans le second.
L’inceste ne serait pas non plus retenu s’il s’en était pris à son fils puisqu’à nouveau, l’inceste s’appliquerait uniquement en présence d’une relation hétérosexuelle.
Dans les deux derniers cas présentés, s’il manque le lien biologique ou s’il n’y a pas «acte sexuel» (victime et auteur du même sexe, autre acte d’ordre sexuel), il s’agit uniquement d’une infraction contre l’intégrité sexuelle (sans inceste). Ceci implique que le tribunal ne peut infliger, en vertu du concours d’infractions (une infraction à l’intégrité sexuelle en concours avec l’inceste), une peine plus sévère.
Déphasage avec la réalité. De notre point de vue, l’art. 213 CP ne correspond pas aux réalités prévalant dans nos sociétés aujourd’hui. Pire, il contribue à des inégalités de traitement et favorise une réalité juridique et judiciaire différente (absence d’inceste) de celle subie par la victime et reconnue globalement comme telle (une relation sexuelle, donc également un abus sexuel, entre proches parents constitue un inceste).
Que faire? Par conséquent, plutôt qu’abroger cet article (les tentatives en ce sens n’ayant pas abouti), il serait judicieux de séparer l’objectif actuel de l’art. 213 CP (maintenir l’intégrité de la famille) de celui visant à protéger davantage des victimes vulnérables dans ce contexte particulier.
En ce sens, il conviendrait de réfléchir à une nouvelle norme enjoignant au tribunal d’examiner systématiquement l’opportunité d’aggraver la peine de quiconque se rendrait coupable d’une atteinte à l’intégrité sexuelle d’une personne mineure de sa famille.
De plus, la notion de famille devrait être définie de manière plus large qu’actuellement. La nouvelle disposition légale pourrait être conçue sur l’exemple de l’art. 200 CP réprimant plus sévèrement la commission en commun d’une infraction contre l’intégrité sexuelle.
Cet article a été publié une première fois en allemand par notre partenaire éditorial Higgs.ch