Quel est le sort réservé à un contrat devenu inutile ou impossible à exécuter en raison de la pandémie?

La crise du coronavirus met de nombreuses entreprises et salariés en grande difficulté. Des mesures de soutien ont été décidées et connaître ses droits est plus important que jamais. Heidi.news crée un nouvel espace de questions-réponses juridiques, en partenariat avec l’étude d'avocats SIGMA LEGAL (Genève et Lausanne). Posez-vos questions à l’adresse redaction@heidi.news

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La question complète. La crise que nous vivons actuellement a des incidences non négligeables sur divers contrats. Dans ce contexte, quel est le sort réservé à un contrat devenu inutile ou impossible à exécuter en raison de la pandémie Covid-19 et quelles démarches entreprendre ?

La réponse de Me Joëlle Becker, avocate, étude Sigma Legal. L’arsenal ci-dessous n’est, de loin, pas exhaustif. Il a simplement pour but d’exposer quelques solutions envisageables dans des circonstances extraordinaires, par définition peu courantes dans la pratique juridique habituelle.

Contenu du contrat

Le premier réflexe est de consulter – s’il existe – le document fondant la relation contractuelle, qu’il s’agisse d’un simple courrier récapitulant les modalités de la relation, de conditions générales, ou d’un contrat négocié. Il n’est en effet pas rare que le contrat lui-même prévoie les conséquences d’une situation extraordinaire, telle que catastrophe naturelle, conflit international ou encore épidémie, par le biais d’une clause dite de force majeure. Parmi les conséquences fréquemment convenues figurent la suspension des obligations des parties au contrat, voire la résiliation du contrat et donc la libération des parties de leurs obligations pour le futur.

Le cas échéant, il convient d’être attentif aux modalités de mise en œuvre d’une telle clause. Il est fréquent que les clauses de force majeure prévoient une obligation d’informer l’autre partie et fixent un délai à cet effet. Dès lors, il est préférable pour la partie en difficulté d’informer rapidement son cocontractant de l’impact de la pandémie sur l’exécution de ses obligations. Cette partie est, par ailleurs, responsable de limiter autant que faire se peut l’impact du cas de force majeure, en prenant activement les mesures qui paraissent raisonnables.

Survenance de circonstances imprévisibles

En l’absence de clause contractuelle visant spécifiquement les conséquences d’une situation extraordinaire, le droit suisse prévoit la possibilité d’invoquer un changement important et imprévisible des circonstances, ayant pour conséquence de créer une grave disproportion entre les prestations des parties, qui rendrait le maintien du contrat abusif.

La pandémie Covid-19 pourrait remplir ces conditions dans nombre de contrats conclus à un moment où la perspective d’une telle crise n’était pas imaginable. Elle peut se matérialiser dans le fait que l’exécution du contrat serait excessivement onéreuse pour une partie (par exemple la fourniture de biens dont le prix aurait augmenté de manière exceptionnelle en raison de la crise) ou deviendrait inutile à cette dernière. Diverses conséquences peuvent en découler, telles que la fin du contrat ou la correction de ce dernier par le juge, de manière à rééquilibrer les prestations.

Impossibilité

Alternativement, il peut être envisagé d’invoquer l’impossibilité de fournir une prestation convenue avant la survenance de la pandémie, au vu des circonstances nouvelles. Encore faut-il qu’aucun tiers ne soit en mesure de fournir la même prestation, que cette impossibilité soit durable, et qu’elle ne soit pas due à la partie qui s’en prévaut – ce qui serait en principe le cas dans le contexte de la pandémie Covid-19. Rares sont toutefois les cas où la prestation sera véritablement impossible.

La réalisation d’un cas d’impossibilité a l’avantage de libérer entièrement la personne qui la subit de ses obligations. En principe toutefois, elle a également pour conséquence de libérer l’autre partie au contrat, mettant ainsi un terme à toute obligation, de part et d’autre.

Rétention de la contre-prestation

Même si l’on ne remplit pas les conditions particulières de l’un des instruments ci-dessus, il convient de garder à l’esprit que, lorsque le contrat prévoit un échange de prestations (un service en échange d’une rémunération, par exemple), le principe, sous réserve de quelques exceptions, est que la partie qui ne reçoit pas la prestation à laquelle elle a droit peut retenir la contre-prestation et ainsi se protéger du risque d’inexécution par son cocontractant.

Ainsi, si des correctifs juridiques permettent de rééquilibrer les obligations résultant du contrat lorsque des circonstances extraordinaires surviennent, on ne peut que recommander une analyse du cas concret afin de déterminer la démarche la plus appropriée.


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