Le Temps rachète Heidi.news: quel avenir pour les deux titres?

Madeleine von Holzen (rédactrice en chef du Temps et directrice éditoriale de Heidi.news), Zeynep Ersan Berdoz (directrice stratégie et développements), ainsi que Tibère Adler (directeur général des deux titres) ont répondu mardi 26 mai à vos questions autour du rachat de Heidi.news par Le Temps ainsi que sur les évolutions des deux titres. La vidéoconférence et un compte-rendu sont disponibles dans cet article.

Quatre mois après l’acquisition du journal Le Tempsla Fondation Aventinus est devenue propriétaire mardi du média en ligne Heidi.news. Une nouvelle étape pour la fondation genevoise à but non lucratif qui vise à soutenir l'existence d'une presse autonome et de qualité en Suisse romande. Eric Hoesli, président du conseil d'administration, a également annoncé la création d'un «conseil consultatif» rassemblant des lecteurs des spécialistes et des employés. Celui-ci sera présidé par la journaliste Sylvie Arsever.

Pour en discuter, nous avons mobilisé Madeleine von Holzen, rédactrice en chef du Temps et directrice éditoriale de Heidi.newsZeynep Ersan Berdoz, directrice Stratégie et Développements, ainsi que Tibère Adler, directeur général des deux titres.

Découvrez ci-dessous plusieurs réponses à vos questions. Pour retrouver l'ensemble des questions traitées, consultez le replay de la discussion en tête d'article.

Pourquoi Le Temps rachète-t-il Heidi.News? (journaliste)

Tibère Adler — C’est la volonté de la Fondation Aventinus, première fondation à Suisse à but non lucratif, qui vise à développer la presse en Suisse romande. Il y a une bonne compatibilité entre les deux médias. Il y a notamment une volonté d’insister sur un journalisme approfondi, un modèle d’affaire similaire qui repose sur de l’abonnement. Si Le Temps est un média référent universel, Heidi.news est intéressant de par sa jeunesse et ses spécialisations.

Comment les équipes vont-elles travailler ensemble? (Sarah)

Tibère Adler — Le Temps retourne à Genève en juillet 2021. Heidi.news va rejoindre les mêmes locaux. Il y aura dans tous les cas deux rédactions séparées. Par contre, nous mettons en commun des ressources administratives, de marketing et de technologie.

Zeynep Ersan Berdoz, vous êtes aujourd'hui directrice Stratégie et Développements pour les deux titres. Quel va être votre rôle? (journaliste)

Zeynep Ersan Berdoz — Je vais travailler en relation avec les rédactions pour faire rayonner les deux titres et développer les abonnés. Cela va aussi au-delà, car nous développons des partenariats ou des formes de mécénats avec de nombreux acteurs romands. Nous sommes au début de l’aventure. Tout cela au service du rayonnement du Temps et de Heidi.news.

Quel va être l’apport du Temps à Heidi.news, et réciproquement? (Marie)

Madeleine von Holzen — Il y a une complémentarité réelle et importante entre les deux médias. Ceux-ci ont des abonnés respectifs. On veut être très attentifs à cela. Il ne faut pas confondre les deux rédactions et leurs positionnements, mais poursuivre le développement dans le respect de leur histoire. Je précise, je ne suis pas seule. Je travaille avec des équipes. Certaines plutôt affectées au développent de Heidi.news et d’autres à celui du Temps. Je suis très bien entourée.

Qu’est-ce que Heidi.news? (Hervé)

Tibère Adler — C’est un média essentiellement numérique qui s’est concentré sur quelques thématiques: la science, la santé et l’innovation. Le média va aussi étendre ses compétences dans le domaine du travail et de l’éducation. L’alimentation nous intéresse aussi beaucoup. Nous proposons deux formats: les «Flux» (articles plutôt courts, rapides et simples à comprendre)  et les «Explorations» (articles beaucoup plus rédigés).

Heidi.news propose une offre à prix libre pour les jeunes. Que compte faire Le Temps? (Lionel)

Zeynep Ersan Berdoz — L’offre proposée par Heidi.news est très intéressante. Nous travaillons à proposer une proposition similaire pour Le Temps.

Et une offre d’abonnement commune entre Le Temps et Heidi.news? (Lionel)

Zeynep Ersan Berdoz — Cela va venir. Nous sommes là aussi en train de travailler dessus.

Vous souhaitez être plus présents dans les régions... (Marie)

Madeleine von Holzen — On ne va pas en dire trop aujourd’hui car c’est actuellement en chantier. Mais pour Le Temps, nous estimons qu’il est très important d’être plus présent en Suisse romande et qu'il faut parler plus de l’actualité politique, culturelle, économique ou sociétale de ces zones.

De quoi concurrencer la presse régionale? (journaliste)

Madeleine von Holzen — On parle plutôt de complémentarité. Notre mission est différente de celle de la presse régionale. Nous souhaitons rester un média d’envergure nationale et internationale.

«Le Temps» a été acquis par la Fondation Aventinus le 1er janvier 2021. Quel premier bilan peut-on faire? (Clara)

Tibère Adler — La Fondation Aventinus s’exprime peu en public. Elle annonce son but de soutenir la presse romande mais souhaite laisser les médias soutenus indépendants.

Heidi.news a une imagine très Genevoise. Cette image va-t-elle évoluer? (Frédéric)

Zeynep Ersan Berdoz — Je ne suis pas vraiment d’accord. Je suis moi-même vaudoise et abonnée de la première heure. Il n’y a pas vraiment d’ancrage genevois mais un traitement de l’actualité très spécifique. Il n’y a pas une vision genevoise, elle est plutôt romande et orientée autour des thématiques traitées.

Heidi.news pourrait-il être absorbée par «Le Temps» dans plusieurs mois? (Frédéric)

Tibère Adler — C’est un risque, c’est le marché qui décide. On est très conscient qu'une perte de fraîcheur est possible quand une petite structure rejoint une grosse. On l’a constaté dans d'autres cas. Il ne faut surtout pas que Heidi.news se fasse phagocyter. Mais ce n’est pas du tout le scénario que nous envisageons aujourd’hui.

Les jeunes préfèrent consulter des médias gratuits. Que faire pour capter l’audience des jeunes? (Henri)

Madeleine von Holzen — Travailler de manière professionnelle, produire des contenus qualitatifs et traiter de sujets qui concernent ces jeunes. Nous croyons aussi beaucoup au fait que ceux-ci sont déjà intéressés par les sujets que ces médias traitent déjà. A nous de trouver la bonne manière de couvrir cette actualité et de le faire en respectant qui ils sont à travers nos différents canaux et les deux titres.

La Suisse romande a une population très réduite. Que comptez-vous faire pour développer les abonnements? (Ylona)

Zeynep Ersan Berdoz — Nous ne réfléchissons pas exclusivement par rapport au bassin romand. Nous envisageons d’élargir le cercle au-delà dans un second temps. Il y a de nombreuses personnes intéressées par nos contenus au-delà.

Heidi.news reste-t-il vraiment indépendant? (Iv45)

Madeleine von Holzen — Oui, l’indépendance demeure. Elle est essentielle, quitte à se retrouver sur des mêmes sujets traités en même temps sur les deux médias. On a eu ce cas après-midi avec les annonces du Conseil fédéral.

La Fondation Aventinus prévoit-elle d’acquérir de nouveaux médias? (Léa)

Tibère Adler — A ma connaissance non mais ne peux pas m’exprimer à la place de la Fondation Aventinus.

Quels sont vos axes pour développer des revenus en dehors des abonnements? (Léa)

Zeynep Ersan Berdoz — Nous voulons développer les abonnements pour les deux titres, c’est notre objectif prioritaire. Maintenant, les partenariats — qui existent au Temps depuis plusieurs années — doivent aussi être renforcés. Cela passe notamment par des projets éditoriaux. Ce qu'il est très important de signaler: ces partenariats doivent profiter à tous. Aux titres, aux partenaires et aux lecteurs. Pour ces trois là, la question cruciale, c’est la transparence. Toute information clairement communiquée est bonne à prendre pour chacun.

La gestion des cookies sur le site de Heidi.news est un peu confuse. Allez-vous améliorer ceci? (Neirynck)

Tibère Adler — Nous travaillons actuellement sur ce point avec des spécialistes de la protection des données pour être alignés aux nouveaux règlements qui arrivent l’année prochaine en Suisse. Je vous donne raison et je peux vous confirmer que cela va être amélioré.

Le Temps a longtemps été reconnu pour sa capacité d’innover. Allez-vous continuer? (Xavier)

Madeleine von Holzen — C’est tout à fait vrai. Le Temps a été reconnu et même souvent primé. Nous sommes attentifs à poursuivre cette culture de l’innovation. Il y aura quelques surprises prochainement mais, par définition donc, je ne peux pas encore en parler! Nous allons continuer, je vous rassure!

Peut-on imaginer que les deux titres volent un jour de leurs ailes sans Aventinus? (Pierre)

Tibère Adler — Notre objectif est que les deux médias trouvent de leurs propres ailes. Peut-être pas sans la Fondation Aventinus mais sans son argent car aujourd'hui, Aventinus engage des fonds importants pour soutenir les deux médias.

Pourquoi être si optimiste sur l'avenir du Temps et de Heidi.news? (journaliste)

Zeynep Ersan Berdoz — Si nous n’étions pas optimistes, nous ne serions pas là. Il y a une réelle dynamique pour développer les deux titres. Nous y croyons beaucoup et c’est avec grand enthousiasme que nous travaillons déjà au rayonnement du Temps et de Heidi.news. Nous avons l’envie et la passion pour le faire et réussir.

Pour toute question supplémentaire: cedric.garrofe@letemps.ch