Pourquoi les foules sont-elles vent debout pour défendre leurs annuités mais semblent indifférentes à la lente destruction de notre planète? A quoi servira la retraite, à 62 ou 64 ans, si l’environnement est irrémédiablement dégradé et la vie humaine compromise?
De millions en 2019, à moins de 10’000 manifestants cette année
Je ne sais pas ce que vaut cette comparaison entre les retraites et le climat, mais elle me frappe. D’autant que pour le climat, en 2019, des millions de personnes défilaient dans les rues du monde entier avec des demandes simples, qui semblaient évidentes :
Limiter le réchauffement à 1,5°C
Garantir la justice et l’équité climatique
Suivre l’accord de Paris
S’unir derrière le consensus scientifique
Depuis, malgré la fin de la pandémie, jamais plus d’un million de personnes ne se sont à nouveau mobilisées pour une Grève du climat, selon les chiffres de Friday for Future, l’ONG lancée par Greta Thunberg. A Paris, pour les deux dernières mobilisations, en novembre 2021 et en mars 2022, on dénombrait moins de 10’000 manifestants.
Comment expliquer cette relégation des questions climatiques au cadet des soucis des Français (et des autres)?
Commençons par voir le verre à moitié vide. Si les grèves pour le climat ne passionnent plus les foules, c’est qu’elles ont échoué. Sept ans après la COP21, rien n’a bougé, ou en tout cas rien de significatif, et de suffisamment rapide, malgré cette mobilisation exceptionnelle.
La seule solution qu’il reste à ceux qui veulent sauver le monde, c’est de se radicaliser. D’attirer l’attention non plus en marchant sereinement, mais en aspergeant les tableaux de sauce tomate ou en bloquant les autoroutes.
Vendredi, ce sont surtout des actions de blocage que j’ai vu fleurir sur les réseaux sociaux. Des mobilisations plus radicales qui peuvent choquer et qui polarisent l’opinion. Même Greta Thunberg, invitée à Davos et au siège de l’ONU, semble se radicaliser: elle a été arrêtée lors d’une manifestation deux jours plus tôt.
Mais on peut aussi voir le verre à moitié plein. D’abord, en rappelant que ces formes de mobilisation plus radicales peuvent être fertiles, même si elles nous choquent. Si la grève pour le climat n’a finalement pas suffi à provoquer un changement des consciences, des actions plus marquantes y arriveront peut-être.
Et si le débat sur le climat avait changé de camp?
Osons être encore plus optimistes. Peut-être que si les grèves pour le climat ne rassemblent plus, c’est qu’elles ont réussi. Non pas à changer le monde, il se réchauffe toujours. Mais à préparer le changement. En osant apostropher les leaders de l’ONU d’un célèbre «how dare you?», Greta Thunberg a peut-être réussi à créer un effet domino.
Les grèves pour le climat ont mobilisé un public bien plus jeune que les manifestations environnementales classiques. Elles ont montré à la face du monde ce que beaucoup ne voulaient pas voir: qu’à force de tergiverser, nous hypothéquons le futur de nos enfants. Que ceux-ci l’avaient compris et commençaient même à nous mépriser.
S’il y a moins de manifestants climatiques, c’est peut-être que le débat a changé. En 2017, seuls quatre Français sur dix considéraient que la protection de l’environnement était tout à fait prioritaire. En août 2022, ils étaient 69%.
Hier, les débats politiques et médiatiques portaient sur la réalité ou non du réchauffement climatique, ou encore sur l’urgence d’agir. Aujourd’hui, politiques et idéologues s’écharpent sur la manière de répondre au problème. Eoliennes et panneaux solaires ou énergie nucléaire? Batteries au lithium ou hydrogène plus ou moins vert?
Certes, nous n’allons pas assez vite, mais nous réfléchissons dans le bon sens. Et si le débat a tant changé ces dernières années, c’est peut-être grâce aux manifestations pour le climat.