Dans un article publié récemment sur Heidi.news, nous mettions en évidence le fait que le Conseil fédéral avait expressément prévu dans son Ordonnance 2 Covid-19 la possibilité d’organiser des assemblées générales virtuelles. Bien que les termes employés dans l’Ordonnance soient un peu vagues - le Conseil fédéral parle d’assemblées de sociétés (Versammlungen von Gesellschaften) - rien n’a été prévu expressément pour les réunions du conseil d’administration.
Au vu de la situation d’extrême tension économique dans laquelle nous évoluons actuellement, un conseil d’administration doit toutefois pouvoir (ré)agir, prendre les mesures urgentes qui s’imposent et définir les stratégies essentielles de la société. Pire même, s’il n’agit pas, le conseil, ainsi que ses membres, pourraient engager leur responsabilité individuelle si leur inaction venait à causer des dommages à la société, à ses actionnaires, voire à des tiers.
Pour le conseil d’administration, la prise de décision par voie électronique est possible depuis longtemps
Indépendamment de la crise actuelle et des mesures exceptionnelles autorisées par le Conseil fédéral pour la tenue d’assemblées générales, le conseil d’administration a les moyens de prendre des décisions à distance, à moins que les statuts de la société ne l’interdisent formellement.
Depuis de nombreuses années déjà, la flexibilité requise par l’évolution de l’activité économique a en effet poussé les conseils d’administration à se réunir et à prendre des décisions par conférence téléphonique, visio-conférence ou d’autres moyens similaires. Bien que le droit suisse n’ait pas (encore) clairement prévu cette possibilité, la doctrine est unanime sur le fait qu’elle doit exister, et les tribunaux n’ont rien trouvé à y redire, pour autant que les obligations formelles soient respectées.
La révision du droit des sociétés, qui est en cours depuis un temps certain, clarifie et comble cette lacune puisqu’elle prévoit explicitement la possibilité de prendre des décisions sous une forme électronique.
Mentionnons enfin que l’article 713 al. 2 CO prévoit la possibilité pour un conseil d’administration de prendre des décisions par voie de circulation, soit par correspondance.
Quels aspects pratiques doivent être observés ?
Le passage de réunions en personne à des conférences téléphoniques ou des visio-conférences sur une plateforme ne doit pas se faire au détriment des obligations formelles de tenue d’une séance d’un conseil d’administration. Il ne faut d’ailleurs pas confondre une décision prise lors d’une séance de conseil virtuelle, avec des échanges informels entre membres d’un conseil, tel que cela peut intervenir fréquemment par email, message ou téléphone (ces derniers ne constituant pas des décisions formelles).
Pour qu’une décision d’un conseil d’administration prise par un moyen électronique soit valable, il convient dès lors de transposer les règles applicables aux séances ordinaires vers le monde virtuel. Ainsi, il conviendra de prévoir, à tout le moins :
que les membres du conseil soient invités à la séance,
que leur identité puisse être établie,
que le moyen technologique choisi permette le débat en direct – soit de poser des questions, d’obtenir des réponses et de formuler des propositions – ce afin que les membres présents puissent se forger une opinion,
que le processus décisionnel (quorum, majorité, vote ouvert ou à bulletin secret), demeure appliqué tel que prévu par les statuts,
que le système de vote soit sûr, et
dans l’enchainement de la séance, qu’un procès-verbal protocole les débats et les décisions prises.
Qu’en est-il des autres sociétés, fondations et associations ?
Les principes énumérés ci-dessus peuvent selon nous être appliqués aux autres types de sociétés (Sàrl, Société coopérative, etc.), ainsi qu’aux conseils de fondations et aux comités d’associations.
Ainsi, les organes dirigeants de ces entités devraient aussi pouvoir se réunir et prendre des décisions par des moyens électroniques, pour autant que les principes organisationnels et formels imposés par la loi et les statuts soient respectés.
La rédaction sélectionne les questions faisant l’objet d’une publication. Il n’y a pas de droit d’obtenir une réponse à chaque question.
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