L'employeur qui a demandé une réduction de travail doit-il payer l'intégralité du salaire?

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La question complète. L'employeur qui a demandé la réduction de l’horaire de travail (RHT) doit-il payer l'intégralité du salaire? Peut-il réduire le taux d'activité?

La réponse de Me Kevin Guillet, avocat, étude Sigma Legal. La réduction de l’horaire de travail (RHT) découle de Loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (LACI).

Les art. 31 ss LACI règlent les droits et obligations en matière de RHT. Certaines de ces dispositions ont été temporairement modifiées par l’Ordonnance du Conseil fédéral COVID-19 du 20 mars 2020. Parmi les modifications, le cercle des bénéficiaires a été élargi, le nombre maximal d’indemnités journalières a été augmenté et la procédure a été simplifiée.

Pour obtenir la RHT, l’employeur devra démontrer qu’il a subi une perte d’activité non imputable au risque normal d’exploitation, qui a pour conséquence une perte de travail en raison du Covid-19 d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées dans l’entreprise. Il pourra  solliciter la RHT en déposant une demande de préavis auprès du service compétent (Office canton de l’emploi à Genève et Service de l’emploi dans le canton de Vaud).

Selon l’art. 33 al. 1 lit. d LACI, la RHT ne peut pas être prise en considération lorsque le travailleur concerné n’a pas consenti à celle-ci. Ceci se justifie par le fait que l’employeur qui bénéficie de la RHT ne sera plus tenu de verser l’intégralité du salaire de l’employé concerné par la RHT (mais demeure évidemment libre de verser le salaire dans son intégralité, à ses propres frais).

Concrètement, l’employeur devra :

  • Continuer de payer le salaire usuel pour les heures encore travaillées

  • Avancer l’indemnité RHT aux employés, à savoir 80% des heures « perdues »

  • Payer les cotisations sociales sur l’intégralité du salaire prévu contractuellement, y compris la part « employé », sauf accord contraire (art. 37 lit. c LACI).

Si l’employé refuse la RHT, l’employeur ne pourra pas obtenir d’indemnité pour celui-ci. Dans un tel cas, l’employeur a la possibilité de licencier le travailleur pour des motifs économiques, en respectant le délai de préavis contractuel, respectivement le délai légal. Le Tribunal fédéral a considéré dans un arrêt de 2012, qu’un tel licenciement, sauf circonstances particulières, n’était pas abusif.

Dès lors qu’un tel licenciement n’est pas abusif, un congé-modification (résiliation du contrat de travail assortie simultanément de la possibilité de conclure un nouveau contrat de travail à des conditions différentes) ne le serait pas non plus. L’employeur pourra donc aussi réduire le taux d’activité du travailleur par le biais d’un tel congé-modification. L’employeur devra cependant également respecter l’échéance du délai de préavis contractuel avant d’appliquer le taux d’activité réduit.

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