Tables vides, conditions éprouvantes: les restaurateurs souffrent aussi de la canicule

Restaurant El Catrin, Genève. | El Catrin / Guillaume Cottancin

Quand il fait très chaud, on a moins faim, ou on privilégie les glaces et la salade au bord de l’eau au détriment des repas chauds dans un restaurant. Dans le milieu, déjà mis à rude épreuve par la pandémie, le phénomène est un sujet récurrent: la canicule n’est pas bonne pour les affaires et quand la température monte à 28 ou 30 degrés, les chiffres chutent. Tareq Bouchuiguir et sa femme Gabriela Castellanos ont ouvert le restaurant mexicain El Catrin en 2016, dans le quartier des Pâquis à Genève. Alors que les vagues de chaleur se succèdent, le restaurateur témoigne.

«Au mois de juin, notre chiffre d’affaires a baissé de 15% à cause de la canicule. En juillet, avec l’effet vacances et quelques fermetures exceptionnelles, la baisse est plus importante encore.

A part l’aspect purement financier, les épisodes de canicule qui se répètent depuis fin mai ont deux types d’impact: celui sur les clients et celui sur le personnel. Tout d’abord, il faut penser à l’équipe de cuisine. En cas de fortes chaleurs, les conditions de travail deviennent très difficiles. Si vous avez déjà chaud dehors, imaginez ce que ça donne en cuisine quand tous les feux sont allumés et que le four fonctionne.

Bien entendu, nous appliquons les directives cantonales, et nous suivons la logique, en donnant plus de pause et en incitant le personnel à boire de l’eau. La machine à glaçons tourne à plein régime, non seulement pour les clients, mais aussi pour le staff. Les préparations qui demandent des cuissons sont toutes faites le matin, afin d’éviter de devoir les faire avant le service du soir, aux heures les plus chaudes. Au mois de juillet, nous avons également décidé de fermer certains services de midi, car il faisait vraiment trop chaud pour les équipes et les clients se faisaient rares.

Les clients ont changé leurs habitudes. Avec la chaleur, le soir, ils viennent plus tard au restaurant. Parfois même après 22 heures alors que la cuisine ferme à 22h15. Certains collègues ont décidé de prolonger leurs horaires d’ouverture, mais nous avons choisi de ne pas le faire pour respecter les heures de travail des employés.

Nous avons essayé de mettre des plats froids au menu, mais ce n’est pas vraiment une solution. Quand ils viennent chez nous, les clients savent souvent déjà ce qu’ils veulent manger. Ils viennent pour nos spécialités qui sont plutôt de la cuisine chaude, pas particulièrement pour des plats froids. Nous avons parfois proposé du ceviche, mais la demande ne suivait pas.

Pour éviter que la salle chauffe trop, nous avons limité le nombre de places à l’intérieur à 70% de la capacité normale. Nous avons également mis des éventails à disposition des clients. L’idée nous est venue après avoir vu les clients utiliser nos menus comme éventails. Malheureusement, ils ont tendance à vite disparaître ou à se casser. Et, bien entendu, nous avons mis des ventilateurs un peu partout. Au total, entre la salle, le bar et la cuisine, il y en a quatorze qui essayent d’apporter un peu d’air à l’intérieur.

Côté installation, les réfrigérateurs ont du mal à refroidir quand il fait trop chaud, d’autant plus que pendant le service, on les ouvre régulièrement. Nous avons d’ailleurs dû changer un frigo qui se faisait trop vieux et faire réparer plusieurs fois un autre. Les équipements de froid peinent à tenir le rythme.

Si ça se reproduit l’année prochaine, on envisagera de fermer le restaurant quelques semaines pendant l’été. La climatisation, par contre, n’est pas une solution envisageable. Les climatisations classiques sont interdites dans notre cas à Genève et les systèmes sans condensation sont beaucoup trop chers.

Une quatrième canicule d’ici la fin de l’été ne nous mettrait pas en danger financièrement. Par contre, si ça se reproduit chaque année avec des températures en permanence au-dessus de 30 degrés de juin à août, ça pourrait devenir vraiment problématique.»