Des mesures émises par l’assemblée, Anne ne souhaite pas en promouvoir une particulière. Quand on lui rappelle qu’elle misait initialement sur la relocalisation et la réduction des produits ultra-transformés, elle tempère: «C’est pas si simple en fait... J’ai appris que la production suisse ne peut pas couvrir les besoins de sa population. Les individus, mais aussi les entreprises, devront évoluer, et ça prendra du temps.»
La Genevoise craignait des débats polarisés sans bienveillance. «Il faut dire que l’équipe a fait un super travail, avec beaucoup de compréhension, de médiation et de patience», tient-elle à souligner. Si la réflexion qu’elle a menée avec 80 autres personnes reste «un débat de luxe» pour celle qui revient d’Afrique, elle est pleinement satisfaite d’arriver à cette phase de vote: «c’est très valorisant de contribuer à cela.»
Leidy, 32 ans, assistante dentaire (GE)
Nous retrouvons Leidy à l’issue de la première session de vote, au souper. En juin, Leidy se montrait particulièrement sensible à l’importance d’accéder à une alimentation saine, et d’éduquer la jeunesse au contenu de leur assiette, par des ateliers ou des visites à la ferme. Cette fois-ci, pas de mesure à appliquer en priorité: la Genevoise souligne l’importance de toutes les recommandations qui sont sur la table. Elle ajoute néanmoins que l’éducation aux enfants fait partie des mesures qui seront votées le lendemain.
Et l’éducation se fait aussi chez les adultes: «J’achète beaucoup moins de viande maintenant, à cause de l’empreinte carbone et la pollution». La jeune femme préfère désormais le marché de Plan les Ouates au supermarché pour ses fruits et légumes. Une évolution qui ne passe pas uniquement par l’assiette: «Que ce soit au niveau de l’alimentation, ou des déchets, j’essaie de devenir plus écolo.»
Philippe, 66 ans, rentier (VD)
Comme la première fois, on trouve Philippe une pomme à la main. En juin, ce végétarien prônait une réduction massive de la consommation de viande, voire son interdiction. «Mais c’est impossible avec nos institutions», admet-il. Alors il promeut plutôt une évolution dans les paiements directs, pour inciter au changement. A-t-il changé ses pratiques alimentaires depuis sa participation à l’assemblée citoyenne? «Pas du tout», nous répond-il avec aplomb. Avant d’ajouter: «J’ai déjà fait le travail que beaucoup devraient faire.»
Lors du lancement de l’assemblée, ce citoyen engagé doutait du caractère neutre ou transparent du processus. «Mais il l’a été, ils ont fait du bon boulot», loue-t-il. Un bémol peut-être: les cinq mois de travail restent courts pour assimiler l’ensemble des connaissances et plancher sur des recommandations.
Et maintenant? C’est là toute la question pour notre interlocuteur. Après avoir bûché pendant des mois, il attend de pied ferme que ce travail collectif soit entendu – et repris. «J’ai peur qu’on ait fait tout ça pour rien, comme en Macronie», craint le sexagénaire, en référence à la convention citoyenne pour le climat française.