Les boulangers suisses à la peine face aux prix de l'énergie

Dans une boulangerie à Genève. | Keystone / Martial Trezzini

A Genève, certains boulangers voient leurs factures d'électricité et de gaz doubler en 2022. Et la situation pourrait encore empirer.

Une vingtaine de centimes supplémentaires pour un croissant ou une baguette. En 2023, les boulangers suisses risquent de répercuter sur le prix de leurs produits la hausse des prix de l’énergie, et notamment celui de l’électricité. Pour les entreprises dont l’activité repose sur l’usage de fours électriques et de chambres froides, la facture devient très salée.

Pourquoi c’était prévisible. Avec l’invasion de l’Ukraine, le prix du gaz avait atteint des sommets à l’été 2022, entraînant dans son sillage celui de l’électricité sur les marchés en gros, en partie indexé sur les tarifs gaziers. Fin août, le mégawattheure d’électricité se négociait en bourse à 725 euros, dix fois plus qu’en décembre 2021.

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L’avis des premiers concernés. Artur Rodrigues, boulanger et restaurateur de la Jonction, confie ainsi à la Tribune de Genève avoir vu ses coûts en énergie doubler l’année précédente. Au point que l’artisan se voit obligé de demander 20 centimes supplémentaires pour ses croissants, afin d’éviter de mettre la clé sous la porte.

Difficile néanmoins de prédire une tendance générale de l’inflation des produits de boulangerie. «L'inflation et la crise énergétique ne touchent pas tout le monde de la même manière dans notre secteur», analyse Claudia Vernocchi, vice-directrice de l’Association suisse des patrons boulangers-confiseurs (BCS), interrogée par Heidi.news.

Deux raisons à cela:

  • la grande diversité des enseignes concernées: micro-entreprise, société de taille moyenne, boulangerie avec gastronomie…

  • les contrats varient beaucoup selon les fournisseurs et les besoins des professionnels.

Claudia Vernocchi:

«Il existe une grande différence entre nos membres qui évoluent dans l'approvisionnement de base, et ceux qui évoluent sur le marché libre. Dans le second cas, les membres dont les contrats avec les fournisseurs ont dû être renouvelés l’année passée ou cette année sont douloureusement touchés.»

La BCS fournit néanmoins quelques éléments de repère sur son site. Dans le calcul du prix de vente d’un petit pain, les coûts de l’énergie sont compris dans les frais généraux (avec le loyer ou les frais administratifs). Ventilés sur la production, ces derniers représentent 45% du prix d’un petit pain, estime l’association.

De nouvelles hausses à prévoir. Aucune éclaircie ne se profile à l’horizon, au contraire. La Commission fédérale de l’électricité a annoncé de fortes hausses des prix suisses de l’électricité en approvisionnement de base pour les petites et moyennes entreprises pour 2023, 24% en moyenne.

Le président de l’association des artisans boulangers du canton de Genève, Eric Emery, s’attend ainsi à une hausse «d’environ 300% sur [la] facture d’électricité» de ses confrères, estime-t-il pour la TDG. Si les prix de l’énergie sont en forte décrue, les répercussions sur les factures ne seront pas pour tout de suite.

Pour la vice-directrice de l’association des boulangers-confiseurs suisses, la balle est dans le camp de la Confédération:

«Une stabilisation des prix de l'électricité par le Conseil fédéral est importante dans les circonstances actuelles. Cela signifie qu'il doit être possible pour les entreprises du marché libre de passer à l'approvisionnement de base et qu'il doit être possible de prolonger la durée des contrats existants.»

Autoriser les sociétés à rejoindre l’approvisionnement de base constituait justement l’une des treize mesures étudiées par un groupe de travail fédéral. Elles visaient à soutenir les entreprises et les ménages face à la forte hausse des prix de l’énergie et à l’inflation. Aucune n’a cependant été retenue pour cet hiver. «Ni la situation économique ni l’inflation ne justifient une intervention», expliquait sobrement un communiqué le 2 novembre.

Les boulangers français trinquent aussi

De l’autre côté de la frontière, les artisans du secteur de la boulangerie font aussi face à une flambée des prix de l’énergie. La grogne est telle que le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs d’aide, dont un bouclier tarifaire du gaz et de l’électricité et le report du paiement des impôts et des cotisations sociales.