Le lait de Nestlé génèrerait deux fois plus de méthane que la Suisse

A quelques jours d'une réunion interministérielle à la COP27 sur la réduction des émissions du méthane, deux organismes ont scruté l'impact environnemental des élevages nécessaires aux quinze plus grandes entreprises de viande et de produits laitiers dans le monde.

Quelle quantité de gaz effet de serre émettent les élevages qu’utilisent les plus grandes entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers? C’est la question sur laquelle se sont penchées la fondation Changing Markets et l’organisation de recherche et de plaidoyer à but non lucratif Institute for Agriculture and Trade Policy. D’après leur rapport publié le 15 novembre 2022, le géant Nestlé émet dans le monde, à travers son activité laitière et les produits qui en sont issus, presque deux fois plus de méthane que la Suisse.

Pourquoi cette démarche. Le 17 novembre à la COP27, une quarantaine de pays devraient dévoiler de nouvelles mesures de réduction de leurs émissions du méthane, à l’occasion d’une réunion interministérielle. L’occasion pour les auteurs de pointer du doigt les entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers, en rappelant au passage quelques chiffres:

  • Le secteur de l’élevage (pour la viande et de lait) émet environ autant de méthane (CH4), un puissant gaz à effet de serre, que le secteur des énergies fossiles. Sur un siècle, une molécule de CH4 possède un pouvoir de réchauffement global 28 fois plus important que le CO2.

  • Pour limiter la hausse de température à la surface du globe à 1,5°C, les Etats devraient réduire de près de 45% leurs émissions de méthane.

Les entreprises scrutées. Les deux organismes ont considéré les cinq plus grandes entreprises de l’élevage, dont la brésilienne JBS (65 milliards d’euros de chiffre d’affaires à son actif), Tyson aux Etats-Unis, mais aussi le Chinois WH Group. Des géants du Vieux continent sont aussi à l’affiche, avec Nestlé (seules les émissions liées à la production de lait ont été considérées), Lactalis et Danone en France, ou encore Darla au Danemark.

La méthode. Les auteurs ont épluché rapports d’entreprises et données publiques afin de déterminer la quantité de viande et de lait transformée par chaque entreprise, tout en essayant d’accéder à la localisation de l’élevage. Ils ont traduit cette production de lait et viande en émissions de méthane, oxyde nitreux et dioxyde de carbone, à partir d’un modèle régional développé par la FAO, avant de les convertir en équivalent CO2. Une méthodologie qui masque nécessairement des disparités d’émissions (selon les races et les types d’élevage, notamment), soulignent les auteurs. De plus, les émissions des pays comprennent celles venant des élevages qui sont utilisés par les industries.

Les résultats. Les auteurs du rapport font plusieurs parallèles à partir des données récoltées:

  • La production laitière qui passe par Nestlé émet autant de méthane que le Bélarus, ou deux fois plus que la Suisse;

  • Les émissions des élevages utilisés pour les activités des quinze entreprises représentent environ 3,4% des émissions mondiales de méthane d’origine anthropique, et 11,1% du méthane provenant de l’élevage dans le monde;

  • Aux Etats-Unis, plus de la moitié (55%) des émissions liées à la viande passent par JBS. Et ces dernières dépassent celles des élevages de France, d’Allemagne, du Canada et de Nouvelle-Zélande réunis.

  • Si les 15 entreprises en question étaient considérées comme un État à part entière, il se situerait au dixième rang des pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre dans le monde.

  • Les auteurs ont choisi de convertir les émissions de méthane en CO2 en considérant le pouvoir de réchauffement sur un siècle, l’échelle de temps principalement utilisée dans les rapports. Mais une conversion sur seulement deux décennies - ce qui paraît plus pertinent si l’on considère les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050 - aboutit à des bilans encore plus défavorables eux entreprises.

Fort de ce constat, les auteurs émettent plusieurs recommandations, dont l’instauration d’objectifs de réduction d’émissions conformes à l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, et confrontées par la suite à leur production réelle. Ils recommandent également de réduire le nombre de têtes de bétail, tout en créant un plan de transition «équitable avec les agriculteurs et les travailleurs des chaînes d’approvisionnement mondiales».