La Suisse devra adapter ses fourrages face au changement climatique

Image d'illustration. | Keystone / Jean-Christophe Bott

Sans eux, exit les quatre millions de tonnes de lait et les 200’000 tonnes de fromage produits chaque année. Les fourrages – un terme qui rassemble les prairies fraîches, foins, céréales fourragères, mais aussi l’ensilage – sont la base de l’alimentation des vaches laitières et prennent de plein fouet le réchauffement climatique. A la veille d’une possible nouvelle vague de chaleur, Heidi.news a sollicité Pierre Mariotte, collaborateur scientifique à l’Agroscope et spécialiste des systèmes pastoraux, au sujet de la sécheresse actuelle et des adaptations à venir. Co-auteur d’un rapport sur l’adaptation de la production fourragère aux changements climatiques, il nous a répondu par écrit.

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Heidi.news – Quel est le bilan actuel de l’impact de la sécheresse et des vagues de chaleur sur la production fourragère?

En Suisse romande, nous avons observé des rendements fourragers acceptables à la première fauche, puis des rendements très réduits à partir des fauches suivantes dès le mois de mai. La croissance de l’herbe s’est souvent arrêtée à cause la sécheresse. Bien que celle-ci a sévi partout, ses effets sont variables selon les sites, en raison de la grande variabilité des pluies ces derniers mois.

Quelles sont les perspectives pour cet hiver?

Il est à prévoir un manque de fourrages produits sur l’exploitation et la nécessité d’en acheter, soit en Suisse, soit à l’étranger. La sécheresse ayant sévi en Europe centrale et du sud, la disponibilité en fourrage sera probablement limitée, notamment dans les pays comme la France et l’Italie, vers qui la Suisse se tourne généralement pour ses importations. Les agriculteurs qui trouveront du fourrage à acheter pourront subvenir aux besoins de leurs animaux. Sinon, ils seront probablement contraints de réduire le nombre d’animaux à affourager cet hiver (et donc de les envoyer à l’abattoir, ndlr.).

Comment la Suisse peut-elle adapter à plus long terme ses fourrages?

De nouvelles techniques agricoles sont en test à l’Agroscope afin de trouver de nouvelles sources de fourrage, principalement lors des années de sécheresse. Le groupe Système pastoraux a mis en place des essais de dérobées (une culture qui s’intercale entre deux cultures principales, ndlr.) résistantes à la sécheresse, dont le sorgho, le millet et la moha. Elles sont plantées après la récolte d’orge et pourront fournir du fourrage à l’automne.

Un nouveau projet d’agroforesterie pour la production fourragère a aussi débuté en 2021 avec des haies fourragères, composées de cinq espèces d’arbres fourragers, plantées sur sept sites en Suisse romande. Le but de ce projet de long terme est de produire du fourrage supplémentaire sous forme de feuilles d’arbres qui ont une très bonne qualité fourragère pour l’alimentation du bétail. Les arbres étant mieux résistant à la sécheresse que les espèces herbacées grâce à leur système racinaire profond, ils pourraient permettre de limiter les pénuries de fourrage lors des périodes de sécheresse. Agroscope travaille aussi sur le développement de mélanges fourragers pour la plaine et la montagne, composés avec des espèces résistantes à la sécheresse, comme le lotier, la luzerne, le plantain, le dactyle, ou encore la fétuque élevée.