L’objectif. Il est clair, confie Christophe Golay, chercheur à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève et professeur invité au Geneva Graduate Institute:
«Nous voulons avoir un impact sur la votation en expliquant, en mobilisant et, surtout, travailler pour la suite. On discutera déjà de ce qui pourrait être intégré dans une loi d’application. L’idée aussi, est de réfléchir à un mécanisme de coordination de cette loi, avec les différents départements du canton – aide sociale, éducation, santé, etc. – ainsi que la société civile.»
Car si le projet de loi constitutionnelle déposé en 2020 est accepté par le corps électoral, le nouveau Grand Conseil devra encore élaborer une loi pour le concrétiser.
En pratique. Une cinquantaine de participants plancheront sur les tables du Refettorio pendant trois jours, tous concernés de près ou de loin, par le contenu des assiettes du canton:
des chercheurs,
des juristes,
des membres d’associations (La Farce, Le Nid, FRC…),
un syndicat agricole (Uniterre),
ou encore des élus locaux. Même Fabienne Fischer, conseillère d’État en charge de l’économie, en pleine campagne pour sa réélection, fera le déplacement.
Christophe Golay travaille depuis plus de deux décennies sur la question du droit à l’alimentation. L’inscrire dans la Constitution genevoise «serait unique en Suisse, et même en Europe», confie-t-il:
«L’Ecosse discute actuellement d’une loi similaire, mais c’est le seul exemple en Europe. Même si tous les Etats européens ont accepté le droit à l’alimentation au niveau international, aucun ne l’a reconnu au niveau national. On en est là.»
Genève pionnier. C’est sous l’impulsion d’Helena Verissimo De Freitas (PS) qu’une coalition de partis (PS, EAG, PDC et les Vert-e-s) dépose en 2020 un projet de loi constitutionnelle. En pleine pandémie, les associations d’aide alimentaire croulent sous la demande et doivent faire face à un manque de coordination.
«La situation a réveillé des réflexions présentes depuis un certain temps», se remémore Diego Esteban (PS), alors rapporteur de la majorité. Le député illustre:
«La file d’attente qu’on voyait aux Vernets, à la vue de tout le monde, sans aucun choix possible vis-à-vis des préférences alimentaires… on est dans quelque chose d’assez déshonorant. Ce fut un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. On voulait éviter l’urgence et laisser plus de place à l’autonomie et la dignité.»
En 2010 déjà, la sphère académique s’était emparée de la question, sans plus de prise de conscience, rappelle Christophe Golay:
«Trois de mes étudiants ont étudié en 2010 la possibilité de mieux protéger le droit à l’alimentation à Genève, avec des recommandations. Mais à l’époque, cela n’a suscité aucun intérêt de la part des politiques. C’est le Covid-19 qui a remis cette question sur la table, car on a observé un manque de coordination dans la réponse, qui est d’abord venue de la société civile.»
La question du droit au logement a aussi, par ricochets, contribué à faire émerger ce droit à l’alimentation, retrace le député Diego Esteban: «La révision de la constitution en 2012 a extrait le droit au logement de ce qu’on appelle le droit à des conditions minimales d’existence. Une majorité de l’assemblée constituante a jugé utile de le consacrer comme un droit fondamental à part entière.»
Les dépositaires du projet de loi estiment qu’au même titre que le logement, la santé ou l’éducation, l’alimentation doit devenir un droit fondamental et figurer au cœur de l’action publique.
Le programme des trois jours. Pour ce faire, les participants vont échanger, débattre, coopérer, avec l’aide d’un facilitateur, au sein de l’un des sept groupes de travail:
accès à la nourriture (pauvreté, aide alimentaire, dignité),
gaspillage alimentaire,
nutrition et éducation (écoles et institutions publiques),
budget (prix pour les consommateurs et producteurs, accessibilité financière),
production locale (durabilité, accès à la terre),
logistique,
gouvernance.
Les résultats des travaux seront partagés à l’issue du processus, le vendredi 21 avril en plénière. De son côté, Diego Esteban attend que le droit à l’alimentation soit explicitement une mission de l’Etat, qui devra être concrétisée en mettant en réseau l’ensemble des protagonistes.